Le programme ABM chinois, dont les différentes étapes sont rappelées par l’auteur, participe de l’investissement général par la Chine de l’espace et du développement de ses programmes spatiaux. Il agit comme un moteur et une finalité pour la modernisation des capacités stratégiques et constitue un indicateur du niveau d’accord entre le Président et les autorités militaires chinoises.
Un point de situation sur le programme ABM chinois
Update on the Chinese ABM programme
The author brings us up to date on progress of the Chinese ABM programme, which forms part of China’s broader investment in space and the development of its space programmes. It is both a driving force and a goal of the modernisation of the country’s strategic capability, and, furthermore, an indicator of the degree of agreement between the President and the Chinese military authorities.
Chez les observateurs de la Chine, le bruit et la stupeur qui ont suivi l’essai ABM du 11 janvier 2010 ont laissé place à un silence dubitatif sur l’avancement réel du programme et sur le sens à donner, rétrospectivement, à l’événement. Plus de deux ans après ce premier essai, aucun nouvel essai n’a eu lieu et les autorités militaires sont demeurées, comme à leur habitude, d’un mutisme total sur le sujet. Pourtant, il ne fait aucun doute que le programme ABM chinois, du fait de son histoire et de son ancrage institutionnel, constitue une priorité stratégique. Reste que le niveau d’avancement technologique qu’il a atteint demeure incertain, ce qui attise les spéculations et les incertitudes stratégiques régionales.
Au cours des deux dernières années, l’Inde, en dépit d’un programme lancé plus tard mais soutenu par les technologies américaines, a presque atteint une capacité opérationnelle. En mars 2011, elle a ainsi validé le sixième test d’intégration de sa défense antibalistique. Celle-ci devrait désormais entrer en phase opérationnelle au cours de cette année ou au début 2013. Parallèlement, les États-Unis, après une interception ratée en 2010, ont réussi une double interception de MRBM par leur système Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) en octobre 2011 à Hawaï, démontrant une réelle capacité opérationnelle tournée, non sans ostentation, vers le Pacifique. Les avancées chinoises sont moins mises en scène. Toutefois, la maîtrise croissante du milieu spatial et des éléments de détection, de suivi, de commandement et de contrôle dont font preuve les autorités militaires permettent de mesurer à quel point les capacités chinoises augmentent dans des domaines constitutifs d’une véritable architecture ABM.
Autonomie stratégique et capacités technologiques
À l’heure actuelle, les capacités ABM chinoises sont limitées. Si l’essai réussi en 2010 constituait un signal fort, il ne constituait pas, en dépit de la nature « non-coopérative » de la cible interceptée, une rupture technologique significative. Alors que la Chine s’était opposée avec vigueur au développement des coopérations technologiques entre les États-Unis, le Japon, l’Australie et la Corée du Sud dans le cadre du Theatre missile defense (TMD) à la fin des années 90, elle a adopté une posture diplomatique nettement plus pondérée sur la question depuis le tournant des années 2000. Cela pour deux raisons. La première est que les autorités chinoises ont bien compris qu’elles n’exerceraient aucune influence directe sur la position américaine par le biais de protestations officielles. La seconde est qu’à la même époque, le programme ABM chinois a été relancé dans le cadre de la modernisation technologique des capacités balistiques de la « Seconde artillerie ». La raréfaction des protestations officielles (en dépit d’une résurgence entre 2008 et 2009 quand les diplomates chinois se sont alignés sur la position de la Russie pour condamner le déploiement d’un système antimissile américain en Europe de l’Est) était ainsi en cohérence avec le développement des capacités chinoises qui allait, inévitablement, devenir public.
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