La grande muraille nucléaire du IIIe millénaire, plaidoyer pour un bouclier antimissiles européen
La grande muraille nucléaire du IIIe millénaire, plaidoyer pour un bouclier antimissiles européen
Bernard Lavarini est un militant du bouclier antimissiles. Son militantisme est techniquement bien assis. Spécialiste du laser, l’auteur a créé la première arme française de ce type et dirigé la prospective chez Thomson-CSF, Thales. C’est donc à juste titre qu’il publie à nouveau, après une consciencieuse mise à jour, l’essai paru en 2005. La mise à jour s’imposait, tant galope la science et court la politique.
Comme dans la précédente édition, l’exposé du « comment », objet de la deuxième partie du livre, est une référence qu’aucun stratégiste ne saurait ignorer. L’analyse du « pourquoi ? » ne bénéficiera pas, ainsi que l’écrit Hubert Védrine dans sa préface, de la même révérence. Ici, l’auteur nous explique ce qui a changé mais persiste et signe, notamment dans son avant-propos. Ce n’est pas ignorance : Lavarini reconnaît le développement d’une puissante contestation du catéchisme dissuasif. Nombre de spécialistes et de politiques osent désormais le sacrilège, mettant en question l’existence même de l’arme nucléaire ; mouvement commodément qualifié de Global Zero. Il y a à cette audace apparente de bonnes raisons et qui vont au-delà de la seule disparition de l’Union soviétique. Elle s’inscrit dans l’indéniable moralisation de la politique internationale, le refus proclamé de la guerre et peu importe qu’il s’agisse souvent d’un hommage du vice à la vertu. Or, c’est là ce que Bernard Lavarini ne veut pas voir. Il nous peint le monde futur aux couleurs du passé. Il le voit toujours organisé selon le rapport des forces militaires, incluant le nucléaire, relativise la catastrophe que serait un échange nucléaire entre grandes puissances, Chine et Inde pour Union soviétique, envisage même quelque « proliférant » jetant sur Marseille une bombe en guise d’avertissement (avertir de quoi ?).
Ces imaginations ne sont pas lancées à la légère, puisque l’auteur a lui-même participé au débat qui a violemment opposé quelques sympathisants notoires du Global Zero (Alain Juppé – eh oui –, Michel Rocard, Alain Richard, Bernard Norlain, Georges Le Guelte) aux partisans entêtés de notre « force de frappe ». C’est bien à ce niveau, qu’on peut dire spiritualiste, que doit se situer la discussion, discussion préalable, l’auteur l’a bien vu, à toute réflexion sur la pertinence des gigantesques travaux nécessaires à l’édification du bouclier. D’un côté seront ceux qui, suivant feu le président Reagan, jugent que la paix assurée par la menace de la bombe est une situation humiliante pour l’humanité (1). De l’autre, ceux qui, doublant l’actuelle dissuasion par une défense aléatoire (2), loin de contrer la prolifération, en font le lit. Les premiers reconnaîtront que leur position, risquée, ne vise pas le « succès ». Si un agresseur, ne les entendant pas, met le feu aux poudres, il s’inscrira dans l’histoire des hommes comme le criminel indépassable : là, réside la vraie dissuasion. Position spiritualiste, disions-nous. En voici une autre, existentielle : qui, chez nous, serait prêt, fût-ce en riposte, à lâcher la bête ? ♦
(1) Par une curieuse rencontre, c’est pour annoncer son IDS, bouclier américain, que M. Reagan a fait cet admirable constat.
(2) Si nous soulignons, c’est que la défense par ABM, pour bouleverser la donne et comme le voulait Reagan, devrait être absolument étanche. En attendant, on ne saurait séparer ABM et menace nucléaire, ce qui justifie l’étude sérieuse que fait Lavarini de cette dernière.