Végèce
M. Lucien Nachin continue l’intéressante série des Classiques de l’Art militaire avec le Végèce, précédé d’une remarquable introduction de François Reyniers. Végèce, à l’encontre de ce que beaucoup croient, n’est pas un militaire de carrière, c’est un haut fonctionnaire de l’Empire, érudit, lettré, homme de confiance de l’empereur Valentinien II, qui l’a chargé, à l’heure du déclin de la puissance militaire romaine, de rédiger un abrégé des traités militaires qui, pendant trois siècles, ont servi de base à l’instruction et à la conduite des légions.
Il semble que ce IVe siècle où vivait Végèce ne pouvait guère nous apporter d’enseignements d’ordre militaire. Il n’en est pourtant rien. Peu d’époques offrent autant de ressemblance avec la nôtre que celle du déclin de l’Empire romain. La puissance militaire qui, pendant quatre siècles, a fait la grandeur de Rome, s’est peu à peu amenuisée ; une armée formée de mercenaires étrangers peu instruits et mal entraînés, commandés par des généraux eux-mêmes, presque tous d’origine étrangère, a remplacé les vieilles légions, aux soldats disciplinés, braves, entraînés, fidèles, à leurs chefs. En vain, on a augmenté les effectifs de l’armée : les 700 000 soldats de Valentinien comptent peu à côté des 300 000 légionnaires d’Auguste.
L’armée romaine du Bas-Empire n’a plus de lien avec la Nation. Elle est composée de mercenaires attachés uniquement à leur chef et la Nation elle-même, écrasée d’impôts, divisée par ses querelles politiques ou religieuses, a perdu tout esprit militaire. Le patriotisme est mort, le civisme a disparu, l’idée nationale s’est effacée, la masse déprimée est prête à accepter une domination étrangère.
Végèce a eu le grand mérite de déceler ces causes profondes de l’affaiblissement continu de la puissance militaire de Rome. Il a cherché à y porter remède en restaurant dans l’armée les principes qui avaient été à la base de l’organisation de la Légion.
L’œuvre de Végèce est celle d’un philosophe réaliste et d’un éducateur ; elle est dominée par la réflexion et par le bon sens. Les principes de la guerre sont immuables ; seuls, les procédés d’exécution subissent l’influence du progrès.
Les cinq livres des Institutions Militaires de Végèce, constituent un ouvrage dont les enseignements demeurent encore valables.