Monnaie d’hier et de demain
Cet ouvrage reproduit le texte des conférences faites en 1951 à Paris sous les auspices du Comité d’action et d’expansion économique. Le premier exposé, celui de M. Lacour-Gayet, démontre que nous n’avons plus de monnaie : la dépréciation continue de celle-ci, malgré les politiques dirigistes, ne lui permet plus de remplir ses fonctions de mesure de valeurs et d’instrument d’épargne. Le seul remède à cela est le retour à la monnaie convertible en or. Même opinion chez M. Rist qui trace un parallèle entre la situation au moment du redressement Poincaré et à l’heure actuelle : la cause unique de la crise est, dans les deux cas, écrit M. Rist, le déficit budgétaire, ce qui semble être une vue un peu limitée des choses pour le temps présent. Reconnaissant les difficultés d’un retour immédiat à la convertibilité, M. Pose demande qu’on revienne au moins, dans un premier stade, à la libre circulation du métal et à la libre fixation des prix en or. Étudiant les rapports entre la monnaie et le commerce international, M. Giscard d’Estaing conclut que la seule organisation n’entravant pas le commerce est une monnaie internationale, « échappant aux gouvernements et circulant par-delà les frontières ». Enfin, M. Rueff se demande si le franc or est pour demain et le souhaite : la convertibilité est en effet pour lui le seul moyen d’éviter une création additionnelle de monnaie, donc de maintenir intacte la valeur de l’instrument monétaire.
On ne peut se défendre, à la lecture de cet ouvrage, d’une certaine impression d’anachronisme : théorie quantitative de la monnaie, équilibre budgétaire seul garant contre l’inflation, automatisme bienfaisant de l’étalon-or… On songe à Leroy-Beaulieu et à David Ricardo. Sommes-nous donc encore dans une économie si semblable à celle du XIXe siècle que les mêmes instruments d’analyse y soient applicables ? L’interprétation des phénomènes monétaires doit-elle ainsi continuer d’être faite en dehors et à côté de l’interprétation économique générale, la monnaie n’étant toujours qu’un « voile » masquant la réalité sans la déformer ? Le style des auteurs, exception faite pour M. Rist, toujours très mesuré en la forme, voudrait rappeler celui de F. Bastiat. Mais Bastiat n’avait vu ni la crise de 1929, ni les deux conflits mondiaux, ni la guerre froide… Sans doute n’avait-il pas tout à fait tort, à son époque, de croire aux automatismes. Est-ce aussi légitime maintenant ? Nous ne le croyons pas, en regrettant que la dimension restreinte de ce compte rendu nous interdise de discuter les points les plus marquants de l’ouvrage. La monnaie n’est plus actuellement une chose « à part » ; elle est intégrée aux mécanismes économiques fondamentaux où elle joue son rôle propre. L’inflation est tout autre chose qu’un accroissement de la quantité de monnaie : fermer la porte à celui-ci n’empocherait pas celle-là. À dire vrai, les instruments d’analyse de nos auteurs ne sont pas adaptés à la réalité qu’ils tentent d’étreindre. Monnaie d’hier ? sans doute. Monnaie de demain ? certainement pas. ♦