Cet article étudie la portée réelle des concepts de zone grise et de guerre hybride, et souligne leur fragilité théorique. Il examine également dans quelle mesure leur utilisation démontre une certaine forme de désarroi des nations occidentales face à un environnement stratégique qui a changé et les oblige à repenser les formes d’affrontement entre États.
Des limites des concepts de zone grise et de guerre hybride, et de leurs implications (T 1218)
Jeu d'Échecs - Stratégie - Guerre (Licence Pixabay)
This article studies the real scope of the concepts of gray zone and hybrid warfare and underlines their theoretical fragility. It also examines the extent to which their use demonstrates a certain form of disarray among Western nations in the face of a changed strategic environment and forces them to rethink the forms of confrontation between states.
Dans les domaines de la sécurité et de la défense, la recherche donne fréquemment naissance à des concepts qui sont, par définition, souvent simplificateurs. Comme semblent nous y inviter Colin Gray (1) et Albert Camus, il est judicieux de mesurer avec quelle précision ils décrivent la réalité d’objets souvent complexes. Le débat erratique sur la catégorisation des États selon leur stabilité (2) est un exemple qui illustre la nécessité d’un tel exercice critique.
Zone grise et guerre hybride sont deux des concepts les plus récents et doivent donc être confrontés à une analyse critique pour appréhender ce que leur pouvoir simplificateur peut nous empêcher de saisir.
Ainsi, la zone grise constituerait une zone ambiguë entre la guerre et la paix. C’est-à-dire que certaines opérations ne seraient pas suffisamment agressives pour être considérées comme l’entrée dans un conflit ouvert, mais suffisamment toutefois, pour constituer un rapport entre États qui s’oppose aux standards promus depuis la Seconde Guerre mondiale (3). Pour profiter de cette ambiguïté, certaines puissances conduiraient une forme de guerre particulière appelée guerre hybride (4) qui correspondrait à l’emploi synchronisé de toutes les formes de tactiques – conventionnelles, irrégulières, terroristes et criminelles, pressions économiques et action de renseignement – dans un espace de bataille étendu, notamment à l’information, l’espace, l’environnement digital et le spectre électromagnétique. La Chine et la Russie sont particulièrement montrées du doigt pour avoir adopté ces manières de combattre qui contraignent les puissances militaires occidentales (5).
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