Anatomie du flexilatéralisme : la politique française d’armement par ses alliances (T 1321)
L'Union européenne (© Commission européenne)
Comment la France gouverne-t-elle la politique d’armement afin de répondre aux besoins capacitaires et technologiques des forces armées ? Comment l’État parvient-il à résoudre le dilemme du maintien de la souveraineté nationale tout en prenant part à des alliances interétatiques pour produire des avions de combat, des chars d’assaut, des frégates ou des missiles (1) ? Je réponds à cette question en mobilisant le concept de « flexilatéralisme (2) », présentant, d’abord, d’où provient cette pratique politique, puis en détaillant ses éléments constitutifs.
Aux origines de la politique flexilatérale : répondre à un dilemme
À l’origine du flexilatéralisme se trouve un dilemme politique. La France est la plus grande puissance militaire continentale, par un volume de ressources inégalé en Europe (3). Elle dispose de l’arme nucléaire, du budget militaire le plus élevé et d’un siège au Conseil de sécurité des Nations unies. L’État bénéficie de compétences d’ingénierie propres grâce à une formation dispensée au sein de « grandes écoles » telles que Polytechnique, et de la constitution de « grands corps » comme celui des ingénieurs de l’armement. En ce qui concerne l’usage de la force, l’architecture présidentialiste de la Ve République permet au chef de l’État de prendre des décisions rapidement, comme lors de l’intervention militaire au Mali en 2013 afin de stopper l’avancée des djihadistes vers Bamako. Enfin, l’industrie française de la défense est la seule, à l’exception des industries américaine et chinoise, à compter trois entreprises (Airbus, Thales, Dassault Aviation) dans le top 25 mondial (4).
Toutefois, les ressources dont disposent la France sont insuffisantes pour atteindre son ambition stratégique de « maintenir son rang » c’est-à-dire de conserve r une position de leadership industriel, technologique et politique, pour ne pas devenir le « junior partner » des États-Unis ou de la Chine. En effet, si la France est la plus grande puissance militaire à l’échelle continentale, elle incarne une puissance moyenne ou « contrariée (5) » à l’échelle mondiale. Pour répondre à ce défi stratégique, un consensus politique est partagé au sommet de l’État : c’est en coopérant avec d’autres États que la France obtiendra les ressources dont elle a besoin pour atteindre ses objectifs stratégiques (6).
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