Que peut-on retenir du discours « Sorbonne II » du président de la République Emmanuel Macron, à quelques semaines des élections européennes, amenant à renouveler le Parlement européen ? Faisant un diagnostic clair et lucide sur l'état des menaces qui pèsent sur l'Union européenne, le Président français appelle les Européens au rebond et à la résilience dans un monde de plus en plus complexe, sept ans après son premier discours de la Sorbonne, en 2017.
Discours de « Sorbonne II », un diagnostic européen juste aux remèdes ambitieux (T 1604)
© QuinceMedia / Pixabay
On s’était dit rendez-vous dans sept ans… En effet, après son premier discours sur l’Europe à la Sorbonne, prononcé le 26 septembre 2017 (1), Emmanuel Macron réitère l’exercice (2) devant 500 invités, dans une allocution de près d’une heure cinquante, dressant une vision alarmiste de l’Europe – passant ainsi de l’optimisme propre au début de son premier mandat, à une forme de catastrophisme qui traduit un changement de ton trahissant ses inquiétudes quant à l’avenir – et exhortant à prendre une série de mesures détaillées pour réaliser « l’Europe puissance ». Insistant sur le caractère indissociable de l’avenir de la France et de celui de l’Europe, le président de la République revient sur les accomplissements réalisés au cours des sept dernières années, tout en proposant un nouvel agenda européen que l’instabilité du contexte international actuel nécessite de penser et de mettre en œuvre. Dans la perspective des élections européennes du 9 juin 2024, le discours d’Emmanuel Macron visait, en effet, à influer sur la feuille de route de la prochaine Commission européenne, qui se verra renouvelée à la suite du scrutin, dans un contexte plus sombre qui trahit la fragilité croissante de l’Europe sur la scène internationale mais également sur son propre sol, étant attaquée dans ses fondamentaux.
Des avancées indéniables
Emmanuel Macron entame son discours avec un regard rétrospectif sur l’Europe, mentionnant les avancées limitées – en raison notamment de la frilosité des uns et des autres à modifier les règles et traités européens – mais insistant largement sur les réussites européennes, fruit d’un travail collectif que le chef de l’État attribue essentiellement aux initiatives individuelles ou conjointes de la France et l’Allemagne. Ces succès permettent d’assumer l’avancement de l’Europe, notamment en matière de souveraineté et d’unité, et cela malgré un contexte d’instabilité croissante et de crise dont témoigne le Brexit, la pandémie de Covid-19 ou encore l’agression russe en Ukraine. En effet, les 27 États-membres ont su faire preuve d’unité financière pour sortir de la pandémie, en instaurant une capacité d’endettement commun inédite qui a permis de lever près de 800 milliards d’euros, mais ils ont également réussi à faire le choix de l’unité stratégique sur des sujets qui étaient, jusque-là, du ressort exclusif du niveau national : en matière de santé avec la production et diffusion de vaccins européens, dans le domaine de l’énergie avec une prise d’indépendance croissante à l’égard des approvisionnements énergétiques russes, mais également en matière de défense comme en témoigne le soutien commun à l’Ukraine. En outre, Emmanuel Macron salue le fait que, malgré la tendance de l’Union européenne (UE) à dépendre des autres, mais surtout des États-Unis et de la Chine dans des secteurs clés, elle a commencé à jeter les bases d’une souveraineté et d’une véritable « stratégie d’autonomie dans des secteurs clés, des semi-conducteurs aux matières premières critiques [...] », affirmant ainsi que « malgré les crises, jamais l’Europe n’a autant avancé ».
On voit ainsi se dessiner la capacité de l’UE à faire preuve de résilience face aux obstacles. En effet, « les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, de manière unie, ce qui nous permet aujourd’hui de nous tenir ensemble et d’être là », soutient le chef de l’État qui, pour autant, insiste, tout au long de son allocution, sur le fait que ces avancées ne sont pas suffisantes et que nombre de sujets doivent encore être saisis, ou faire l’objet de progrès et d’approfondissements. Pour lui, qui alerte à ce titre l’ensemble des partenaires européens et appelle à la lucidité, « nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd’hui, est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant ».
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