Cette semaine, le général Pellistrandi commente le décès, le lundi de Pâques, du pape François dans sa 89e année. Après 12 ans de pontificat, le pape François laissera un réel héritage dans l'Église catholique. Alors que la période actuelle est celle du rapport de force, la disparition de François démontre néanmoins que la faiblesse des corps peut renforcer les forces de l'esprit, au détriment des figures brutales que sont Vladimir Poutine et Donald Trump.
Éditorial – Quand la faiblesse est une force (T 1703)
Le pape François en Papamobile en Corée du Sud en août 2014 (© Wikimedia Commons)
Editorial —When weakness is strength
This week, General Pellistrandi comments on the death on Easter Monday of Pope Francis in his 89th year. After 12 years as pontificate, Pope Francis will leave a real legacy in the Catholic Church. While the current period is one of power struggles, Francis's passing nevertheless demonstrates that the weakness of the body can glorify the strength of the mind, to the detriment of brutal figures such as Vladimir Putin and Donald Trump.
Dimanche de Pâques : la fragile silhouette du pape François parcourt la place Saint-Pierre à Rome où les pèlerins se sont rassemblés pour célébrer la résurrection du Christ. Un homme âgé et malade, mais bien présent, pour témoigner de l’espérance chrétienne. Lundi de Pâques : le Vatican annonce le décès survenu à 7 h 35 du pape François. Le centre du monde se déplace en quelques minutes à Rome, au pied de la monumentale église dédiée à l’apôtre Pierre, le premier des papes ; et ce, pour plusieurs semaines, entre les préparatifs pour les obsèques de Franciscus – son nom en latin qui sera gravé sur sa tombe à Sainte-Marie-Majeure – et le conclave qui désignera le futur pape. Washington, Moscou, Téhéran, Pékin et bien d’autres capitales vont laisser la place à Rome et en particulier au plus petit État de la planète : le Vatican.
On prête à Staline cette formule : « le Vatican, combien de divisions ? » Le Tsar de l’URSS ne croyait qu’à la force brute et au rapport de force et, de fait, ce n’est pas la Garde Suisse pontificale qui pèse dans le jeu géopolitique, mais bien la figure du pape, en particulier depuis 1978 et l’élection de Jean-Paul II, premier pape non italien depuis des siècles et surtout Polonais, ébranlant dès sa proclamation l’empire soviétique. À coup sûr, Jean-Paul II ne figure pas dans les personnalités préférées de Vladimir Poutine…
François, après Benoît XVI – dont l’œuvre théologique et spirituelle demeure –, a poursuivi en démontrant tout au long de son pontificat sa volonté d’être un pasteur allant vers les périphéries, vers ceux qui ne comptent pas, vers ceux que le monde oublie. Refusant la pompe vaticane, déjà mise à mal depuis Paul VI, il s’est dépouillé de tout, partageant à la fin de sa vie la faiblesse des malades, y compris en déambulant en fauteuil roulant. Alors même que les puissants de ce monde s’efforcent de démontrer au quotidien leur force en se mettant en scène, entre le joueur de hockey et celui qui joue au golf. Aux interminables couloirs dorés du Kremlin ou au kitsch de Mar-a-Lago, François a préféré l’austérité de la résidence Sainte-Marthe au Vatican.
Bien sûr, d’ici quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois, de nombreuses lignes seront écrites sur les différents bilans de ce pontificat de douze ans avec ses réussites, mais aussi ses faiblesses. Toutefois, pour le moment, c’est le temps du deuil et du recueillement avec cet homme fragile mais présent, qui a toujours refusé le rapport de force comme mode de régulation des relations internationales, avec des propos souvent dérangeants notamment sur la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine, avec sûrement beaucoup d’incompréhension, particulièrement sur la dissuasion nucléaire. À l’heure de sa disparition, sa voix – devenue avec la maladie et la vieillesse presque silencieuse – a résonné et demeure.
La Providence a bien fait les choses, car avec le décès de François en ce lundi de Pâques, le Vatican est désormais au centre du monde pour quelques semaines, occultant de fait la date fatidique du 9 mai qui devait être le triomphe du nouveau Tsar de Russie, Vladimir Poutine. Au final, contrairement à ce que croyait Staline, la faiblesse d’un homme peut être bien supérieure à la force brute. ♦