Le 4 octobre 1957, la radio de Moscou interrompait soudain ses émissions pour donner lecture d’un communiqué qui fit sensation : une fusée russe venait de projeter dans l’espace une capsule scientifique gravitant autour de la Terre. Le lancement de Spoutnik I marque le début d’une ère qui verra sans doute l’homme accomplir un rêve qui relevait jadis de l’utopie : échapper à la Terre et rendre visite à d’autres planètes.

Huit ans ont maintenant passé. Les Américains piqués au vif par les « bip, bip » triomphants des premiers Spoutniks, ont mobilisé leur énorme machine industrielle pour relever le défi soviétique. Après les mises sur orbite de cosmonautes russes, les vols des capsules Mercury, puis Gemini attestent de façon spectaculaire que le retard est comblé. Le 26 novembre 1965, la France, avec la réussite du premier tir de Diamant, vient de faire une entrée brillante dans l’espace, loin évidemment derrière les deux super-grands, mais tout de même en avance sur les autres nations. La course à l’espace est-elle une simple affaire de prestige ? La réponse à cette question doit être résolue par la négative. Sur le plan civil, il suffit de considérer les découvertes scientifiques et le progrès technique dus à l’activité spatiale, les applications des satellites à la météorologie, aux télécommunications et à bien d’autres domaines dans dix ou vingt ans, pour s’en convaincre. Sur le plan militaire, la prise de conscience des problèmes semble moins avancée, tout au moins en dehors des États-Unis et de l’U.R.S.S. Nous allons essayer de montrer ici en présentant à titre d’exemple les réalisations américaines, les seules qui soient un peu connues, que l’espace concerne également les militaires, qu’ils peuvent en tirer parti et que bientôt peut-être, ils devront se prémunir contre des dangers venant de ce côté.

Pourquoi l’espace militaire et comment le définir ?

Tous ceux qui ont étudié l’histoire ou même la préhistoire savent que chaque fois que l’homme a pris possession d’un milieu, qu’il a appris à se déplacer sur terre ou à naviguer sur mer, des problèmes militaires se sont posés dans ce milieu. Plus près de nous, le début du vingtième siècle a vu les débuts de l’aviation. La maîtrise de l’air, déjà d’une grande importance pendant la première guerre mondiale, est devenue primordiale au cours de la guerre 1939-1945. La maîtrise de l’espace sera-t-elle un atout décisif entre les mains d’une nation à la fin du vingtième siècle ? Il n’est pas déraisonnable de le penser. On peut en effet établir un certain parallèle entre la situation des véhicules spatiaux d’aujourd’hui et celle de l’aviation vers le début de la première guerre mondiale. En 1914, faire voler un avion représentait un exploit technique ; les performances des appareils de l’époque étaient encore modestes et sur le plan opérationnel on envisageait surtout de les utiliser comme moyens d’observation. Ces caractéristiques sont bien celles des satellites et autres vaisseaux spatiaux d’aujourd’hui. La difficulté des problèmes techniques, le coût des réalisations limitent encore leur emploi, mais on sent que l’élan actuel ne s’arrêtera pas et que l’utilisation de l’espace à des fins tant civiles que militaires ne fait que commencer.