Psychanalyse de la situation atomique
La psychanalyse peut-elle délivrer le monde de la guerre ? C’est à cette question que l’auteur, psychiatre et philosophe, dans cet essai paru en Italie en 1964, mais dont la traduction française vient seulement d’être publiée, s’efforce de répondre. Le lecteur peu familier du vocabulaire et des modes de pensée psychanalytiques sera peut-être surpris par la forme et le raisonnement qui lui sont proposés. Mais la thèse se dégage aisément.
La guerre est une aliénation ; chaque membre d’un groupe étant pris entre deux désirs contradictoires d’aimer et de détruire l’être ou l’objet qui le domine – le père, le souverain, l’État – projette sur le groupe ennemi son désir de destruction et le justifie au nom de principes. Les superstructures des sociétés évoluées cachent cette donnée de base ; mais celle-ci reste aussi nette et vivace que dans les sociétés primitives. Ainsi, dans toute action collective, chacun porte une part de responsabilité qui se situe dans l’inconscient. Faire apparaître cette responsabilité à la conscience est une entreprise que la psychanalyse peut tenter. Il est d’autant plus nécessaire et urgent qu’elle le fasse que le danger d’une destruction apocalyptique est plus grand. Disserter sur la dissuasion, c’est se masquer à soi-même le véritable problème, en quelque sorte se donner un alibi de bonne conscience ; en réalité, c’est fuir la part personnelle de responsabilité que chacun devrait ressentir dans la situation actuelle. Se dégager de la toute-puissance de l’État, instaurer une notion vraie de la personnalité individuelle dans ses aspects les plus cachés, mais les plus certains, voilà des démarches préalables à toute instauration de la paix.
Bien d’autres penseurs ont abouti aux mêmes conclusions, sans recourir à la psychanalyse. Ce qui ne revient pas à dire que celle-ci est inutile ou superflue. Tous les moyens doivent être employés pour diminuer et si possible annihiler la tension dans laquelle vit notre monde nucléaire. Aussi lira-t-on ce livre comme une contribution à la recherche de la paix et des moyens propres à l’assurer. ♦