La doctrine est trop souvent perçue comme « doctrinaire » et étroitement liée à nos échecs militaires. Or, une analyse historique montre que l’absence de doctrine ou le refus de réfléchir à l’emploi des forces ont conduit à la défaite. Le besoin de doctrine est donc essentiel à l’art de la guerre.
L’évolution de la doctrine
The Evolution of Doctrine
Doctrine is too often perceived as “dogmatic” and strictly tied to our military chess games. However, a historical analysis shows that the absence of doctrine or the refusal to reflect on the employment of forces has lead to defeat. The need for doctrine is therefore essential to the art of war.
Certes, la guerre est avant tout contingente et ne relève pas d’a priori mais l’histoire montre qu’à chaque fois que la pensée militaire s’est réduite à un dogme – cette situation atteignit un niveau caricatural en 1870 – l’échec de nos armes fut patent ; en revanche, lorsque la pensée militaire aboutissait à l’édiction de règles qui fussent plus des principes que des carcans, la victoire a été acquise. Si « à la différence de la théorie (ou plutôt de l’idéal type de la théorie), la doctrine n’est jamais neutre, elle est ouvertement gouvernée par le principe d’efficacité » (cf. Hervé Coutau-Bégarie), force est de reconnaître que la doctrine n’accompagne pas seulement l’action militaire, elle en est le moteur. Pour résumer, se fondant sur le caractère même de la guerre qui consiste à « imposer sa volonté à l’ennemi », la doctrine s’articule autour de principes et s’attache moins à définir des procédés de combat, souvent adaptés à un cadre espace-temps spécifique ; en d’autres termes, si les conditions d’exécution varient, l’essence de la doctrine demeure.
C’est en ce sens que cet article vise à mettre en évidence comment, au cours du siècle écoulé, l’engagement des moyens militaires, qu’ils fussent terrestres, maritimes ou aériens – ou leur non-engagement dans le cadre particulier de la dissuasion – a généralement été préparé par une doctrine d’emploi.
Considérant que le désastre de 1870 était avant tout une défaite intellectuelle, les rénovateurs de l’Armée des années suivantes se sont attachés à forger une unité de doctrine, dénommée aussi communauté de pensée, considérant que par cet essai de leçon : « Toutes les activités concourent au but que le haut-commandement se propose d’atteindre, et cela même lorsque les ordres subissent des retards ou n’arrivent pas. Dépourvues de la communauté de pensée, les initiatives individuelles produisent des efforts divergents, plus nuisibles qu’utiles à l’ensemble, efforts qui ne tardent pas à s’éteindre pour faire place à la passivité, mère de la défaite » (cf. Général Bonnal). Ce fut une des fonctions dévolues à la jeune École supérieure de Guerre qui, sous l’impulsion de son premier commandant, le général Lewal, relayé par toute une cohorte de brillants officiers, Maillard, Bonnal et Foch, pour ne citer qu’eux, bâtirent tout un corpus doctrinal à partir d’une analyse historique critique des campagnes de l’Empire et de celles de 1870. Indiscutablement, le « chapeau » destiné à coiffer cet ensemble doctrinal est apparu avant la fin du XIXe siècle par la définition que Foch a formulée des Principes de la guerre, liberté d’action, concentration des efforts, économie des forces et sûreté qui ont toujours cours de nos jours.
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