Certes, à mesure que le temps passe, les lignes directrices de l’histoire émergent, prenant un relief particulier dont on peut penser qu’il est garant d’une certaine objectivité. Mais l’intérêt de l’histoire immédiate (qu’est-ce que trente ans au regard des siècles ?) est non moins évident : elle permet en tout cas au lecteur de confronter la vision qu’il eut alors des événements avec les témoignages des acteurs encore vivants.

Et c’est précisément de tels témoignages que Dominique Desanti a recueillis pour faire revivre cette année 1947 que le général de Gaulle qualifiait de « terrible » et qui le fut réellement puisqu’elle fut marquée par le début de la « guerre froide » et par les multiples cassures marquant la rupture avec le passé colonial des Puissances : début du conflit ouvert en Indochine qui n’avait connu jusque-là que des actions de guérilla sporadiques ; éveil des nationalismes en Afrique du Nord ; terrible et atroce répression du soulèvement de Madagascar… Cassure également en Inde d’où l’Angleterre se retire et où la partition n’empêche pas les affrontements ethniques. Mais c’est surtout au Moyen-Orient que l’histoire prendra un tour de plus en plus dramatique, la Palestine étant scindée en un État Hébreu et un État Arabe qui restera mort-né. C’est cependant plus particulièrement sur l’histoire intérieure de la IV^e République et sur l’affaire de l’éviction des communistes du gouvernement par Ramadier que Dominique Desanti a centré son ouvrage ainsi que sur la scission de la Confédération générale du travail (CGT) et la création de Force ouvrière (FO) grâce à l’appui des syndicats américains et, selon l’auteur, de la CIA. C’est là l’un des intérêts majeurs de son livre à un moment où les Parti communistes (PC) occidentaux déploient tant d’efforts pour ressaisir les leviers de commande dont ils ont été écartés en 1947 conformément aux souhaits sinon même aux pressions américaines.

Un récit très vivant et passionnant faisant appel à des témoignages inédits. L’un des meilleurs livres de l’été. ♦