La Chine en marche
En raison des événements qui se déroulent actuellement en Chine, nous pensons devoir signaler la réédition de cet ouvrage célèbre. Edgar Snow est considéré comme un des meilleurs spécialistes américains des questions d’Extrême-Orient ; il a bien connu Mao Tse-toung et les interviews que lui a accordées le grand chef communiste sont réputées.
Cette nouvelle édition est accompagnée d’une post-face traitant de la Chine en 1966 et en 1986. C’est là que réside l’intérêt pour les lecteurs qui ont déjà eu l’occasion de prendre connaissance de cet énorme volume.
Tout spécialiste que soit l’auteur, les événements de la révolution culturelle lui semblent peu explicables. Il tente donc d’en donner une interprétation qui est conditionnelle et révocable.
Khrouchtchev, en échange de la protection nucléaire donnée par l’URSS, avait espéré « une totale subordination de la Chine » que Mao ne voulut pas accepter. Dans ces conditions la rupture entre les Soviets et la Chine étant inévitable, les Chinois pourraient-ils mener à bien, avec leurs seuls moyens, le développement et l’armement de leur pays ? À cette question, les réponses furent différentes ; ceux qui apportaient une réponse négative firent figure de traîtres. L’armée dut être épurée, réformée et « re-démocratisée », avec d’autant plus de hâte que la menace d’une attaque américaine par suite de l’extension du conflit du Viet Nam, était davantage considérée comme probable. Pour faire face à un éventuel débarquement américain, il fallait mobiliser les forces vives du pays, notamment les jeunes, qui pourraient servir également à rénover le Parti, menacé de sécession et de révisionnisme ; d’où la création et le déchaînement des Gardes rouges. La menace extérieure avait donc servi de motif, puis, lorsqu’elle s’estompa, de prétexte, à un redressement intérieur.
L’auteur se garde de faire des pronostics pour l’avenir. Il constate que la Chine a considérablement amélioré son économie, développé ses armements, assuré sa vie propre. Il en déduit que dans vingt ans, elle sera devenue une grande puissance mondiale, comparable en tout point à celles qui régissent actuellement le destin du monde. Si les convulsions qui la déchirent doivent la mener au chaos, « souvenons-nous, écrit Edgar Snow, que la Chine ne serait pas seule à sombrer ».
Conclusion qui, sous la plume d’un Américain sinophile, peut être considérée comme l’expression d’une conviction, mais aussi comme celle d’un dépit.