La société à la Martinique au XVIIe siècle
Tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre française outre-mer liront avec intérêt cet ouvrage sobre, analytique, clair et souvent minutieux. Il traite des débuts de l’installation des Français aux Antilles, particulièrement à la Martinique. Sans être une histoire de cette implantation, il permet cependant de reconstituer et de comprendre comment s’est créé ce peuplement original formé essentiellement des apports français et africains. On ne cherchera aucune thèse. L’auteur énumère et enchaîne les faits. Ainsi le lecteur peut-il juger de lui-même de la complexité déjà grande d’une société naissante, rattachée à celle de la métropole et pourtant distincte, prenant ses caractères propres des divers éléments qui la formèrent et davantage encore des conditions de vie que les Tropiques, l’insularité et l’éloignement imposaient.
Si le sujet peut sembler circonscrit, il n’en inspire pas moins d’utiles réflexions. La Martinique était, certes, un microcosme ; mais aussi un exemple, un cas particulier à partir duquel il est possible d’extrapoler. Français, Hollandais, Portugais, catholiques, protestants, juifs, hommes libres de toutes conditions, esclaves, engagés, maîtres et serviteurs, présentaient, en somme, toute la gamme des intérêts rivaux et des communautés nécessaires inséparables de toute vie en société. Les règlements, les codes, tentaient d’harmoniser cette disparité et de faire vivre les différentes catégories en paix, sinon en harmonie. Aussi le phénomène que l’auteur appelle « la créolisation », c’est-à-dire la fusion entre des éléments originellement différents, commence-t-il à se faire sentir très tôt. Les origines sociales s’estompent ; les groupes sociaux remplacent les classes ; le métissage s’intensifie.
Liliane Chauleau a ajouté à son texte un important appareil bibliographique qui rendra les plus grands services à ceux que les choses des Antilles intéressent. Un livre, au total, dont la signification dépasse largement la présentation documentaire.