Une guerre pas comme les autres : la guerre germano-soviétique
Pourquoi une guerre « pas comme les autres » ? Cette expression de Staline, que Michel Garder a choisie pour donner un titre frappant à son livre, signifie que la guerre entre l’Allemagne et l’URSS a été une guerre de peuple contre peuple, menée avec une haine inexpiable, dans une mutuelle et totale incompréhension entre les adversaires ; dirigés, au surplus, par deux fous, l’un, Hitler se croyant chargé d’une mission et entraînant son peuple derrière lui, l’autre Staline, maniaque de la persécution et contraignant ses « sujets » à le suivre, grâce à l’appareil écrasant du Parti [communiste]. Pas comme les autres, encore, parce que pendant qu’elle se développait, les Allemands qui s’étaient crus les maîtres du monde, retrouvaient leurs dimensions et les bornes de leur horizon, alors que les Russes, communistes par obligation, redécouvraient leur patrie et donnaient un sens de plus en plus national aux effroyables épreuves qu’ils avaient à subir. Pas comme les autres enfin, car elle se déroulait dans un monde clos, se suffisant longtemps à elle-même, et ne subissant que de loin les répercussions des opérations sur les autres théâtres d’opérations.
Voilà la thèse qui est développée, apparente ou sous-jacente derrière le récit des combats. Ce récit, découpé en de nombreux chapitres courts, est clair et d’un accès facile, et ce n’est pas un des moindres mérites de Michel Garder d’avoir pu exposer de façon aussi « coulante », pourrait-on dire, la complexité des actions stratégiques et des rencontres tactiques qui se déroulaient sur des milliers de kilomètres.
On appréciera surtout la façon dont l’auteur aborde le problème de l’histoire militaire, dont il fait un tableau complet, insistant sur les aspects psychologiques autant et souvent davantage que sur les opérations elles-mêmes. Certes, cette méthode le conduit à souligner les erreurs que firent les Allemands en ne se présentant pas, pour les populations de l’URSS occidentale, comme leurs libérateurs contre le bolchevisme, en n’utilisant pas à fond les possibilités du général Vlassov ; à souligner de même des erreurs de même nature commises par les Russes ; et à conclure que si les deux belligérants avaient davantage tenu compte de ces conditions psychologiques, ils auraient mis de leur côté des atouts décisifs. La conclusion est peut-être un peu hâtive, ou tout au moins n’est pas absolument convaincante. Car si les adversaires, au lieu de jouer le jeu brutal de la guerre déchaînée, avaient apporté plus de souplesse dans leurs méthodes, la lutte se serait portée sur d’autres plans, peut-être tout aussi implacables.
Mais ce sont là des suppositions. Il reste que cette guerre germano-soviétique a été un affrontement extraordinaire de ténacités, de courages et de valeurs opposées. Le récit qu’en fait Michel Garder en restitue le côté humain et en fait bien sentir les multiples aspects, donnant ainsi une vue synthétique de ce qui fut une des guerres les plus acharnées de l’histoire. ♦