De Wilson à Roosevelt. Politiques extérieure des États-Unis
Il y a dans ce livre deux parties : une partie historique, qui porte sur les événements de la Première Guerre mondiale ; une partie que l’on pourrait qualifier d’actuelle, qui traite de la période de pré-guerre et de la Seconde Guerre mondiale. Suivant les lecteurs, l’intérêt se portera davantage sur l’une ou l’autre de ces parties.
Cependant, le mérite de l’auteur est d’avoir voulu, par une analyse détaillée des faits concernant la politique extérieure des États-Unis de 1913 à 1945, envisager ces deux parties dans leur continuité et dans leurs développements, laissant le lecteur extrapoler ou juger si aujourd’hui est bien la suite d’avant-hier et d’hier. Jean-Baptiste Duroselle fournit très clairement, à la tête et à la fin de son ouvrage, les raisons qui l’ont incité à l’écrire, et la philosophie qu’il en retire.
Les raisons : le désir d’expliquer pourquoi et comment les États-Unis, qui s’étaient peu préoccupés de politique extérieure au sens européen du terme, en sont venus à prendre dans le monde la place que leur conféraient naturellement les ressources humaines et financières. La philosophie : la doctrine wilsonienne, suivant laquelle les plus hauts idéals humanitaires se confondaient avec l’intérêt national du pays, après avoir échoué s’est épanouie sous Roosevelt, grâce à l’extraordinaire action personnelle de cet homme malade et indomptable, mystérieux et sans doctrine clairement définie, mais doué d’une volonté de fer.
On pourrait dire également que c’est l’accord entre le leader et la masse de la population qui, lorsqu’il s’est enfin réalisé à partir de 1942, a porté les États-Unis à la première place. Mais il reste une question sans réponse : si la mort n’avait pas frappé Roosevelt quelques semaines avant la victoire, les relations entre l’Est et l’Ouest seraient-elles devenues ce qu’elles sont ? Roosevelt est mort dans l’étonnement, voire la stupéfaction de voir l’alliance avec l’URSS s’orienter vers l’incompréhension et l’hostilité ; aurait-il réagi, et comment ?
Ces interventions américaines dans la politique mondiale, l’auteur en juge le résultat en historien qui « ne peut qu’observer les faits et les expliquer », sans pouvoir « en tirer de prétendues leçons ». « Le monde a cessé d’être fondé sur un équilibre multilatéral de puissances, pour devenir un système bipolaire où les deux camps s’entourent de satellites et de clients ». La seule conception qui ait réussi sans conteste, c’est que « les empires coloniaux se sont effondrés ». Quant au reste, Roosevelt a contribué « à ouvrir la boîte de Pandore ». Mais quand cette boîte fut vide, il y resta l’espérance ; c’est ce que le lecteur peut conclure, s’il tient à conclure lui-même dans un sens optimiste.
Un tel ouvrage est un ouvrage de fond. Il est probable que bien des jugements de l’auteur, sur des faits si proches de nous, ne seront pas admis sans discussion. Mais l’ensemble de la thèse, ou plus exactement, de l’explication, a une rigueur logique qui s’impose. Un livre à lire, certainement, et à reprendre ensuite posément, dans chacune de ses parties. ♦