Le Testament politique du Cardinal de Richelieu
C’est une excellente idée qu’ont eue MM. Louis André et Léon Noël de donner une édition nouvelle du Testament politique du cardinal de Richelieu.
La présentation en est magnifique, digne de l’auteur. On sait combien ce texte, qui mériterait d’être mieux connu, et qui a tout le caractère d’une grande œuvre classique, est resté longtemps ignoré en dépit du souhait formulé par Sainte-Beuve en son Lundi du 27 décembre 1852, le Testament politique n’avait, jusqu’à présent, jamais été réimprimé intégralement. Il appartenait à un spécialiste de la classe de M. Louis André, ancien professeur à la Faculté des Lettres de Lille et à l’École pratique des Hautes études, auteur de thèses et d’études remarquables sur Michel Le Tellier et l’organisation de l’armée monarchique, et sur Michel Le Tellier et Louvois, éditeur du Recueil des instructions données aux Ambassadeurs de France en Hollande de 1648 à 1788, d’assurer la réalisation du vœu de l’Académie des Sciences morales et politiques.
Dans son introduction, le savant éditeur nous met au courant de l’œuvre considérable qu’il a dû mener à bien. La question posée par le traité du Cardinal avait, en effet, donné lieu à des interprétations diverses, souvent contradictoires, parfois romancées. Elles ont été minutieusement examinées. Les manuscrits existants et découverts ont été étudiés, comparés, classés en deux types différents : un seul, le manuscrit de la Sorbonne, a été jugé conforme à la pensée testamentaire du Cardinal, les seize autres avaient pris pour modèle une copie du ministère des Affaires étrangères. Le problème relatif à l’authenticité a été aisément résolu et a fait ressortir les erreurs et la partialité de Voltaire. En ce qui concerne la confection, l’analyse et le caractère même du testament, M. Louis André a pu mettre en vedette le rôle souvent décisif joué par le Père Joseph.
Ses conclusions sont que l’ouvrage est, avant tout, le « bréviaire de l’homme d’État », et non simplement un manuel de politique extérieure. Dans une préface remarquable, l’ambassadeur Léon Noël n’a pas de peine à montrer l’inappréciable intérêt de cette œuvre où le ministre se livre à nous tout entier, pourvu de dons exceptionnels des plus grands hommes d’État et qui ont fait de lui, selon le mot d’Albert Sorel, le plus grand de nos négociateurs. Le Testament politique montre l’universalité de la pensée du Cardinal, qui liait entre eux, comme il convient, tous les problèmes de l’État, aussi bien ceux du gouvernement intérieur, que ceux relatifs à la politique étrangère et à la stratégie pour la mener à bien.
La lecture du Testament dont nous avons, enfin, une présentation élégante et scientifique à la fois, ne peut que nous confirmer dans l’admiration manifestée dès 1693 par Fénelon, lorsqu’il disait : « Le temps qui efface les autres noms fait croître le sien. »