La robotisation du champ de bataille est en passe de devenir une réalité grâce à l’IA. Doctrinalement, Russes, Chinois et Américains y réfléchissent et développent des systèmes armés semi-autonomes. Les degrés d’autonomie et d’autonomisation sont des facteurs de supériorité. Une prise en compte de ces évolutions est nécessaire.
Systèmes armés semi-autonomes : que peut apporter l’autonomie ?
Semi-Autonomous Weapon Systems: What does Autonomy Bring Us?
Robotisation of the battlefield is gradually becoming a reality, through the use of AI. Doctrinally, the Russians, Chinese and Americans are looking closely at it and developing semi-autonomous weapon systems. The degrees of autonomy and of automation are factors for superiority. These developments need to be taken note of.
L’intelligence artificielle (IA) fait évoluer l’ensemble des processus décisionnels humains. Les grandes puissances industrielles orientent désormais leurs politiques de développement civil et militaire sous l’égide de la convergence des technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique, sciences Cognitives). Accélérée par les progrès réalisés en sciences des données et en apprentissage statistique, cette convergence technologique impacte un très large éventail de domaines : médical, biotechnologique, industriel, robotique, financier, marketing, commercial, recherche scientifique, ressources humaines, juridique. Les systèmes semi-autonomes et autonomes investissent des secteurs d’activité jusque-là réservés à la seule expertise humaine. Le domaine militaire n’échappe pas à cette (r)évolution fondée sur la montée en puissance de l’autonomie des systèmes. Les armées américaine, russe et chinoise adaptent leurs doctrines en intégrant l’emploi de systèmes armés semi-autonomes et autonomes déployés dans tous les milieux d’action : air, sol, mer en surface, sous-marin et cyber. L’évolution à la hausse des degrés de coopération, d’intégration et d’intrication liant le soldat à ses systèmes « intelligents » offre de nouvelles options d’engagement et de nouvelles puissances au stratège et au chef militaire.
États-Unis, Chine et Russie, le tiercé gagnant
de la course aux systèmes armés autonomes
Le chef d’état-major de l’armée russe a récemment indiqué vouloir exclure le soldat russe de la zone d’immédiate conflictualité en le remplaçant par des unités robotisées téléopérées et semi-autonomes. Du côté américain, face à la contestation montante demandant l’interdiction des « robots tueurs », de hauts responsables du département de la défense (DoD) viennent de déclarer que « ce qui ne serait pas éthique serait certainement d’envoyer des soldats américains au contact d’une unité de robots armés (chinois ou russes) ». Cette déclaration doctrinale s’inscrit pleinement dans la stratégie TOS (Third Offset Strategy) lancée en 2014 par le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, fixant la ligne directrice des futures adaptations capacitaires des forces armées américaines. Rejoignant le peloton de tête des exportateurs de drones de combat, la Chine, quant à elle, souhaite s’imposer en devenant la première puissance militaire mondiale avec l’ambition de détrôner à moyen terme le leader américain. Dans le domaine naval, elle s’oriente vers un déploiement massif et systématique de groupes de drones de surveillance armés en surface et sous-marin lui assurant la maîtrise informationnelle et la défense automatisée de très grandes zones maritimes.
Cette course à l’autonomisation des systèmes s’accélère et reproduit, soixante-dix ans plus tard, ce qu’a été la course à la dissuasion nucléaire. Confrontées à cette dynamique compétitive, les armées européennes doivent tout mettre en œuvre et ne rien s’interdire afin de maintenir leurs capacités de projection et de dissuasion. Elles doivent désormais prendre en compte la possibilité d’un engagement simultané de groupes de combat robotisés aériens, navals, terrestres et cyber, exécutant des séquences d’actions de haute intensité, en mode haute fréquence. À moyen terme, ces groupes de combat associeront des unités robotisées téléopérées par des opérateurs humains, des unités robotisées semi-autonomes qui seront « semi-supervisées » et des unités robotisées autonomes capables de s’intégrer automatiquement au dispositif en exécutant des actions élémentaires complémentaires. À plus long terme, les unités téléopérées et semi-supervisées évolueront vers des systèmes à haut degré d’autonomie, auto-reconfigurables, résilients, contrôlés et supervisés par des « IA » calculant à tout instant la séquence d’actions optimales au regard de la mission fixée par le chef militaire.
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