Durant la décennie 1970, la Marine nationale redéploie progressivement son dispositif avec un effort sur l’axe Méditerranée-mer Rouge-océan Indien, afin de sécuriser des voies maritimes essentielles. À partir de 1975, cette réorientation s’appuie sur la réouverture du Canal de Suez, préfigurant de futurs engagements.
Le redéploiement du dispositif naval français dans l’axe mer Rouge-océan Indien, 1973-1978
Redeployment of the French Fleet in the Red Sea—Indian Ocean Axis, 1973-1978
Throughout the decade of the 1970s, the Marine Nationale progressively redeployed its fleet, putting effort on the Mediterranean—Red Sea—Indian Ocean axis in order to protect essential maritime trade routes. From 1975, this change of direction focused on the reopening of the Suez Canal, and foreshadowed future commitments.
C’est par la mer et principalement par sa façade indo-océanique que la présence militaire française investit progressivement le Moyen-Orient à l’époque postcoloniale. La France partage en effet avec ses partenaires occidentaux une dépendance accrue aux flux d’hydrocarbures qui y transitent et recherche des accords stratégiques avec les pays exportateurs. Dès lors, l’océan Indien et ses bassins maritimes annexes que sont la mer Rouge et le golfe Arabo-Persique cessent d’être de simples zones de transit pacifiées pour devenir des espaces convoités ainsi que des voies d’accès logistiques pour d’éventuelles opérations dans la région. De fait, profitant d’un vide stratégique en l’absence de ses partenaires habituels, Américains ou Britanniques, la Marine nationale fait de l’axe Méditerranée–mer Rouge–océan Indien une de ses priorités opérationnelles, constituant un élément précurseur des engagements militaires futurs au Moyen-Orient.
Un contexte propice à une stratégie militaire indirecte menée depuis les espaces maritimes
Au tournant des décennies 1960-1970, plusieurs événements se conjuguent pour justifier l’action de la France en direction de l’océan Indien. Le 18 juin 1967, Londres annonce le retrait total de ses forces From East of Suez (1), une décision qui provoque un véritable appel d’air stratégique susceptible de laisser place à d’autres puissances, aussi bien locales que globales. Or, au même moment, la présence navale soviétique devient permanente dans cette région alors même que les États-Unis y sont encore peu présents du fait de leur engagement au Vietnam et en vertu de la doctrine Nixon. Les chiffres de la présence navale comparés en termes absolus (nombre de jours/navires par an), tournent alors nettement à l’avantage des Soviétiques. Cette menace est d’autant plus prise au sérieux que le Canal de Suez est fermé par l’Égypte après la guerre des Six Jours, en 1967, allongeant considérablement les liaisons maritimes entre l’Europe et le golfe Arabo-Persique.
L’engagement de la Marine nationale permettrait ainsi de « faire la soudure » entre le départ britannique et la venue en force des Américains à partir de 1975, date de leur installation à Diego Garcia, et surtout 1979, en réaction à la révolution islamique d’Iran. Cependant, la décision française semble d’abord obéir à des considérations nationales, telles que la crainte d’une remise en cause de sa souveraineté sur ses territoires du sud de l’océan Indien. En revanche, il est certain qu’elle s’inscrit dans une inflexion nouvelle de la défense nationale vers des stratégies d’influence et d’intervention extérieure.
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