L’agressivité croissante de Moscou envers Paris souligne paradoxalement la crédibilité de la position française dans son soutien sans ambiguïté à l’Ukraine. En n’excluant aucune option, le président Macron a haussé le niveau de compétition, obligeant V. Poutine à admettre le rôle stratégique de la France dans ce conflit.
France-Russie : vers une nouvelle dialectique nucléaire ?
France-Russia: a New Nuclear Dialectic?
It is paradoxical that Moscow’s increasing aggressiveness towards Paris is adding to the credibility of the French position regarding its unambiguous support for Ukraine. By not excluding any option, President Macron has increased the level of competition, thus compelling Vladimir Putin to acknowledge the strategic role of France in the conflict.
Le 26 février 2024, à la suite de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine organisée à l’Élysée, le président Emmanuel Macron a surpris en affirmant ceci : « Tout a été évoqué de manière libre et directe, ce soir. Il n’y a pas de consensus pour envoyer officiellement des troupes au sol. Mais, en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre (1). »
Cette déclaration a été largement rejetée par l’Allemagne, les États-Unis, l’Espagne, la Pologne et la République tchèque, tandis que le Royaume-Uni et l’Italie ont adopté une attitude plus mesurée (2). Les médias français ont amplifié cette réaction, illustrant la surprise et le choc ressentis face à l’éventualité d’un déploiement de troupes françaises en Ukraine. En réponse, le président Poutine a, pour la 26e fois, évoqué la possibilité d’une riposte nucléaire, tout en se montrant ouvert à des négociations de paix avec l’Ukraine selon ses propres conditions (3). Cette situation révèle que la France entreprend pour la première fois la mise en œuvre de sa dissuasion en se confrontant directement à la Russie. Cette crise nous rappelle que la dissuasion répond à deux temps où elle change de forme, celle en temps de paix et celle en temps de guerre. Le contexte est désormais inédit, et la question de l’intervention de troupes françaises ouvre notre position vers des contrées inconnues en termes stratégiques, mais non moins maîtrisées.
Depuis le début du conflit, les références à la crise de Cuba (1962) se multiplient et émanent même du président Joe Biden qui a comparé le 6 octobre 2022 : « Nous n’avons pas été confrontés à la perspective d’une apocalypse depuis Kennedy et la crise des missiles cubains (4). » Bien que cette crise permette d’observer la manière dont les États-Unis et l’URSS ont développé leurs dialectiques respectives qu’il est fondamental d’analyser, elle n’offre pas de modèle pertinent pour la situation actuelle, étant donné le rapport de force différent. Elle est néanmoins riche d’enseignements. La France doit élaborer un nouveau langage pour exprimer sa posture vis-à-vis de la Russie.
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