Au cœur de l’Amérique centrale, El Salvador a subi tous les soubresauts politiques ayant marqué la région dont l’absence de volonté commune des États à travailler ensemble. Après les guérillas marxistes, les gangs liés au narcotrafic y ont prospéré, entraînant une insécurité croissante, que le Président salvadorien a combattu avec succès. Il entame un second mandat porté par une volonté de transformation et de modernisation.
Amérique latine – El Salvador et le « phénomène » Nayib Bukele
Latin America–El Salvador and the Nayib Bukele Phenomenon
El Salvador, at the heart of Central America, has suffered all the political upheavals that have affected the region, including the lack of common will for countries to work together. After the Marxist guerrillas, drug trafficking gangs prospered: the Salvadorian president has successfully fought against the growing insecurity they created. He begins a second term of office, carried by his enthusiasm for transformation and modernisation of his country.
Le 1er juin 2024, le président Nayib Bukele (1) a entamé un second mandat à la tête d’El Salvador, en Amérique centrale. Depuis son arrivée au pouvoir, ce pays s’est engagé sur la voie d’une évolution inédite, autant sur les plans politiques ou économiques qu’en termes de cohésion nationale et de politique étrangère. En 2019, à la tête d’un nouveau mouvement politique, Nuevas Ideas, et avec son colistier (et désormais vice-président) Félix Ulloa, universitaire reconnu et constitutionnaliste, le candidat s’inscrivait dans une volonté de rupture avec le système bipartisan qui régulait la vie politique au pouvoir depuis 1989 (2). Avec son élection, il est parvenu à transformer les bases de la démocratie salvadorienne.
Cette évolution a été mise au service d’une nouvelle vision d’un pays qui entend jouer un rôle central dans une région dont l’intégration est freinée sinon stoppée, par le manque d’unité et de projet commun. Pour parvenir à constituer une force motrice, le Président salvadorien a placé la question de la sécurité dans le cœur d’un projet global. Et pour cause ! En parvenant à la présidence, Nayib Bukele héritait d’une situation marquée par un danger immédiat pour l’État : les « maras ». En croissance depuis les années 2000, les fameux gangs contrôlaient une partie du territoire national : quartiers et districts dans les principales villes du pays – comme San Salvador, San Miguel, Usulutan – étaient sous leur coupe, conduisant certains maires à tenter de négocier avec eux. Cela contribuait à affaiblir l’autorité d’un État de plus en plus discrédité par une corruption qui entachait les principales figures nationales. Une justice défaillante, un développement de trafics illégaux dans un « Triangle nord » (3), autant d’éléments qui ont contribué à faire d’El Salvador un des pays du monde comptant le plus fort taux d’homicides. En 2019, il était de 38 pour 100 000 (2 500 assassinats par an) de 18,1 en 2021 (1 147 morts). Il devait chuter en 2023 à 7,8 : niveau le plus faible jamais atteint depuis les années 1980.
Le rétablissement de la sécurité devenait la condition sine qua non à une nouvelle dynamique économique, essentiellement de services notamment numériques et financiers. El Salvador n’est-il pas devenu le premier pays au monde à instaurer le bitcoin, comme monnaie courante, au même titre que le dollar ? En mettant l’accent sur une communication inédite, digitale, Nayib Bukele est parvenu à fidéliser les nouvelles générations sur un programme visant à transformer à la fois l’image du pays, mais également le contrat social qui s’était construit dans l’après-guerre civile (1979-1992). L’image du changement et la culture du résultat constituent les bases d’une gouvernance inédite, marquée par une hyper-présidence acceptée par l’opinion publique qui adhère à la lutte contre l’insécurité. En parvenant à démanteler les gangs, en réorganisant à la fois les appareils policier et judiciaire, en redessinant la carte administrative nationale, Nayib Bukele a engagé son pays dans une transformation qui vise à en faire le nouveau pôle de développement en Amérique centrale. Il entend faire de son expérience, « un modèle exportable » sur un continent bousculé par les questions d’insécurité, migratoires et les tensions internationales qui se traduisent par une « tentation du Sud global » (4) pour certains, comme la Colombie ou le Brésil, et un soutien à l’Occident pour d’autres, à l’instar de l’Argentine ou du Costa Rica.
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