Quelle que soit l'issue de la crise irakienne, le président George W. Bush a conduit son pays dans un piège : d'une part, parce que la rhétorique guerrière des doctrinaires qui l'entourent dresse le monde contre les États-Unis ; d'autre part, parce que l'Amérique, qui se voulait bienveillante, est considérée désormais comme une nuisance. Il n'est pas déraisonnable de penser qu'elle mettra un terme à l'ère des empires, dont elle pourrait bien être le dernier avatar moderne. L'Europe, qui a échoué par le passé à devenir empire, peut légitimement y voir une chance à saisir et parier sur le déclin des États-Unis, à condition de ne pas se tromper elle-même de projet.
L'intuition du déclin
Les États-Unis d’Amérique se trouvent aujourd’hui dans une situation intenable. Dernière grande puissance d’un XXe siècle qui n’en finit pas de mourir, ils se retrouvent dans la position du front runner. Il n’y a, dès lors, pour une nation qui n’accepte même pas l’idée d’une compétition avec les autres nations, d’autre solution que de mettre en œuvre une politique de force tous azimuts ; sans autre résultat que de dresser contre elle les opinions publiques et de plus en plus de gouvernements, y compris parmi les plus fidèles alliés qui se retrouvent accusés d’être des ennemis potentiels, alors même qu’on les somme d’accepter une nouvelle théorie de guerre « préemptive ».
De la guerre juste à la guerre justifiée
Il n’est pas question ici de redire la théorie multiséculaire du droit à la guerre. Citons simplement, ne serait-ce que parce que ce texte semble illustrer l’actualité, l’article Guerre de Jaucourt dans l’Encyclopédie, qui écrivait qu’une guerre est injuste pour quatre raisons :
« Lorsqu’on l’entreprend sans aucune raison justificative, ni motif d’utilité apparente ;
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