Le concept d'espace occupe une place importante dans l'analyse stratégique. Il repose sur une hiérarchisation spatiale fondée sur la notion d'intérêt. Sa permanence dans le temps est liée à la pluralité des acteurs étatiques. Cet article se propose d'analyser l'initiative de défense européenne en fonction de ce concept et d'en apprécier les conséquences pour notre pays.
Les territoires des pays membres de l'Union européenne s'identifient à leurs intérêts vitaux. Les espaces contigus représentent leurs intérêts majeurs. Au-delà, s'étendent leurs intérêts secondaires qui sont très divers.
Le projet européen privilégie la défense des intérêts majeurs voire secondaires aux dépens de celle des intérêts vitaux. La défense de ces derniers est confiée principalement à une puissance extérieure, les États-Unis. Ce choix néglige imprudemment la défense des intérêts vitaux, obère les capacités d'action autonome, limite la portée du projet européen et menace même sa pérennité ; alors même qu'on ne peut pas exclure, à moyen ou à long terme, la réapparition d'une menace pesant sur les intérêts vitaux. Ce choix, sans précédent dans l'histoire, traduit l'absence de volonté de s'affirmer de l'Union européenne et sa détermination d'assurer l'essentiel de sa sécurité au sein de l'Alliance atlantique.
Parallèlement l'Union européenne est confrontée au dynamisme des États-Unis qui se conçoivent comme une puissance européenne et qui lui laissent peu de liberté d'initiative. En l'état, le projet de défense européen demeure contingent pour la France dont la défense des intérêts vitaux est confiée, pour l'essentiel, à sa force de dissuasion.