L'auteur nous fait découvrir les prémices du sauvetage en mer, son développement et ses modalités. La Seconde Guerre mondiale n’étant pas loin, le ressentiment à l’égard des Allemands est encore vivace.
L'assistance et le sauvetage en mer
Au siècle de la vapeur, du pétrole et de la T. S. F, les sinistres en mer devraient être de la. vieille histoire. Ils sont à coup sûr moins fréquents qu’au temps où le navigateur avait pour suprême ressource d’invoquer saint Michel du Péril ou la Vierge, Étoile des matelots, dont les sanctuaires s’échelonnent sur les côtes de France depuis Notre-Dame de Boulogne jusqu’à Notre-Dame de la Garde. Cependant, malgré la sécurité accrue, les vieilles menaces sont toujours là, que ce soit la tempête, la brume, le récif, le banc de sable, la voie d’eau, l’abordage ou le feu. Le progrès lui-même en apporte : la panne de moteur et le court-circuit ne sont pas des accidents rarissimes. Et pourtant, que de précautions ingénieuses contre l’incendie ! Il suffit, sur certains paquebots, d’un robinet qu’on tourne pour que de véritables cloisons d’eau s’interposent contre la propagation des flammes. Mentionnons seulement ce détail : après l’incendie de l’Atlantique, on retrouva son pétrole intact dans leurs soutes : leurs parois avaient tenu, et il avait bouilli, mais non brûlé.
L’événement qui fit peut-être le plus pour les derniers perfectionnements fut le naufrage du Titanic, en avril 1912. Ce colosse, orgueil de la White Star Line, avait heurté, au sud de Terre-Neuve, un iceberg qui lui fit une déchirure longue de 100 mètres : il flotta encore trois heures avant d’être englouti avec 1.390 des 2.301 marins ou passagers qu’il avait à bord. Une conférence internationale d’experts se réunit à Londres en 1914. Interrompue par la guerre, elle reprit quinze ans plus tard. Des conventions et des lois en sont issues, aux termes desquelles un navire ne peut plus naviguer sans un certificat de sécurité qui est temporaire, et donc soumis à renouvellement. Il est loin, le temps où des risque-tout traversaient l’Atlantique et le Pacifique — ou du moins tentaient de le faire — sur des coques mal calfatées où la pompe était sans cesse à l’ouvrage. En cherchant bien, on trouverait encore, dans nos ports de petit cabotage ou de pêche, une barque dont la vétusté semble un défi au vent et à la houle : gardons-nous de généraliser. En 1930, après la tempête qui s’abattit sur notre flottille-thonière et fit périr d’un coup 207 pêcheurs, un journaliste mal informé s’en prit au mauvais état des bateaux, à l’insouciance des équipages, à la lésine des armateurs. Quelle injustice ! Ces dundees, bien construits et pour la plupart bien entretenus, n’étaient peut-être pas des modèles de confort, mais ils tenaient admirablement la mer : sans quoi, ils n’auraient pas trouvé d’hommes pour y embarquer.
Il est reconnu que la navigation est dangereuse surtout au voisinage des côtes. Entrer à Saint-Jean-de-Luz ou à Audierne, passer Le Raz de Sein ou le Raz Blanchard, bien tenir le chenal entre les bancs de Flandre n’est pas tous les jours, ni toutes les nuits, chose facile. C’est en de tels cas que le navigateur a le plus besoin d’être aidé ; riverain, il a ses repères, ses « marques » pour ses mouillages ou ses allées et venues ; mais il a aussi, et l’étranger comme lui, les amors, les tourelles, les balises des Ponts et Chaussées, les bouées sonores, pour les temps de brume, lumineuses pour les heures de nuit, les phares. Les phares éclairent, dit-on, sa route : c’est façon de parler. Il serait bien illusoire de compter sur leur lumière, surtout quand ils sont à éclats, pour rédiger son journal de bord. Leur rôle est seulement de guider. Notre système de phares, l’un des plus complets qui soient, ne date pas d’hier : il y en eut un à Boulogne qui datait de Caligula, et qui ne s’éteignit qu’au bout de quinze cents ans de services, quand allait s’allumer la tour de Cordouan à l’embouchure de la Gironde. La dernière guerre leur a été funeste. Les Allemands qui gardaient le Mur de l’Atlantique en ont détruit ou endommagé un grand nombre, au moment de leur départ, sans raison acceptable, pour le plaisir de nuire, qui leur est si cher, On a déjà presque tout réparé, par endroits même amélioré. C’est ainsi qu’aux Roches-Douvres, la tour métallique qui avait son pendant en Nouvelle-Calédonie a été remplacée par une tour de béton : le béton résistera mieux à la corrosion marine. Mais le béton n’est pas très plaisant à l’œil : on lui fait donc un revêtement de granit. Quelle dépense, n’est-ce pas, en ces temps de misère ! Rassurons-nous : ce granit somptueux provient des stocks de l’Organisation Todt.
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