Comme à l'accoutumée, l'auteur nous donne ses réflexions brèves mais fort judicieuses que lui inspirent les discussions sur le désarmement et l'attitude de M. Gorbatchev.
Du confort que procure l'ennemi, du trouble qui résulterait de sa disparition
L’ordre binaire est reposant. Il enchante les ordinateurs ; il satisfait aussi les paresseux. Un monde partagé en deux est le plus commode qui soit ; le soviétique, comme l’islamiste, le veut ainsi pareillement le politicien qui est de droite, ou de gauche. En noir et blanc, le téléviseur est plus vite réglé que s’il est en couleurs. Moi et l’ennemi, l’ennemi et moi, voilà qui est clair
On pourrait penser que si l’existence d’un ennemi procure le confort, on multipliera son plaisir en multipliant ses ennemis. Il n’en est rien, sauf pour le maniaque de stratégie lequel, au demeurant, s’efforce de ne traiter qu’un ennemi à la fois. Si l’on a deux ennemis, ou trois, on ne se retiendra pas de les comparer. Si l’un est tout mauvais, l’autre le sera moins et le demi-ennemi complique le jeu de façon irritante. « Satan » pour l’imam Khomeyni ou « empire du Mal » pour le président Reagan, il n’est de bon ennemi que total.
La conjoncture actuelle, par une convergence frappante, offre deux exemples du trouble qui s’empare des esprits lorsque paraît s’estomper le visage du méchant. On passera vite sur le premier, puisqu’il s’agit de la politique intérieure française, qu’il faudrait, selon certains, recentrer. Le centre n’est pas aimé ; il brouille le sympathique clivage de la droite et la gauche. Assis en haut du mur, le «centriste » regarde des deux côtés ; conscience prise qu’il a raison et que le compromis est seul juste en ce bas monde, les militants s’affolent et ceux qui disaient vouloir grimper au mur se hâtent d’en redescendre. Si la gauche (ou la droite) n’est plus la gauche (ou la droite), la droite (ou la gauche) ne sait plus ce qu’elle est.
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