Derrière l’efficacité militaire collective démontrée par les récents engagements opérationnels des forces armées pourrait se cacher une certaine vulnérabilité individuelle de militaires placés dans un environnement social dont la mutation semble peu favorable au développement des vertus et des comportements de rigueur rustique qu’exige les combats d’aujourd’hui. L’auteur s’en explique et suggère de nouveaux repères identitaires.
Culture et identité militaire
Réfléchir, c’est désobéir, voilà une des images d’Épinal associées aux armées dans l’imaginaire collectif. La rigueur, confinant parfois à la rigidité, et la discipline sont assimilées à la culture militaire dans tout ce qu’il y a de plus réducteur. Heureusement cette vision simplificatrice évolue. La professionnalisation, les campagnes de communications des armées, les opérations récentes ont peu à peu modifié cette réalité tenace. Dans ce contexte, il est utile de s’intéresser à la perception par les militaires eux-mêmes des évolutions culturelles et identitaires et à la façon dont ils les vivent, ainsi qu’à l’impact qu’elles ont sur les opérations. Les derniers engagements tendent à prouver la préservation de l’efficacité collective des armées. Cette appréciation masque pourtant une certaine vulnérabilité individuelle des militaires dont il s’agit de maîtriser les effets.
Culture et identité militaires
L’intérêt porté par les militaires à leur propre identité et à leur culture est un phénomène assez récent. C’est au cours des années 60, sur fond de conflits postcoloniaux, puis dans les années 80, en fin de guerre froide, que la « débellicisation » de la société et l’émergence de sociétés modernes, ont peu à peu conduit les armées à se questionner sur elles-mêmes, comme institution globale et sur leur place dans la société. Cela s’est traduit, entre autres, par une plus grande conscience de l’héritage réducteur (cérémonies, salles de tradition…) qui la différenciait, parfois de manière caricaturale, de son environnement. Ces traditions participent de ce que l’on peut appeler la culture militaire, que l’on retrouve également dans l’architecture, les uniformes.
« Il suffit d’ajouter “militaire” à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique », disait Clemenceau. Et pourtant ces éléments culturels contribuent à l’identité militaire en général. Ils sont identifiables et spécifiques. Ils proviennent d’un ensemble d’activités soumises à des normes socialement et historiquement différenciées, et des modèles de comportement transmissibles par l’éducation, propre à un groupe social déterminé. Cette définition peut être appliquée à la culture militaire, sans jugement sur sa qualité. Elle est un moyen d’identification, de différenciation et de fierté. Elle est liée, avec l’identité qu’elle constitue, à un statut, une position sociale, quand bien même ils seraient idéalisés. Elle se matérialise, par des cérémonies, des uniformes, un langage. Elle répond, entre autres, au souci d’appartenance au groupe, à un groupe exceptionnel : il peut être amené à ôter ou perdre la vie pour son pays. Cette exception est non seulement une réalité mais son sentiment doit être cultivé afin qu’elle soit parfaitement comprise et acceptée.
Il reste 81 % de l'article à lire
Plan de l'article