La guerre des sanctions
La guerre russe en Ukraine et les réactions politiques et économiques des États-Unis et de l’Union européenne ont remis la question des sanctions internationales au centre du débat géopolitique. Partant de ce sujet d’actualité, l’équipe de Nemrod ECDS analyse les origines de cette pratique politique et juridique qui, comme le prolongement de la guerre par d’autres moyens, s’inscrit dans une logique compétitive entre puissances. Des blocus de l’Antiquité à ceux des guerres napoléoniennes et des deux conflits mondiaux, jusqu’aux sanctions économiques d’aujourd’hui, en réfléchissant sur les causes profondes de la résilience de certains États sanctionnés, ce Cahier de la RDN propose un panorama historique et géopolitique d’une pratique structurante des relations internationales contemporaines.
88 pages – avril 2024
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Des stratégies de blocus militaire aux politiques de sanctions : usages et pratiques de l'« état de siège » économique de l'Antiquité à nos jours
Le blocus est une méthode de guerre ancienne, qui n’a toutefois pas été employée de manière continue au cours de l’histoire. En effet, son usage dépend de facteurs géographiques, politiques et techniques divers et multiples. Adapté à la logique des cités méditerranéennes de l’Antiquité, le blocus disparaît au cours de l’époque médiévale, avant de connaître une renaissance à l’époque moderne. Les évolutions technologiques, ainsi que la compétition coloniale entre les grandes puissances européennes entraînent alors un recours fréquent au blocus au XIXe siècle, qui culmine ensuite au cours des deux conflits mondiaux. La fréquente utilisation du blocus, notamment par l’Empire britannique, est dès lors dénoncée comme un abus de pouvoir par ses compétiteurs. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de débats visant à sa régulation émergent dès le XVIe siècle, en vue de son encadrement juridique, notamment par le droit des conflits armés. Lire la suite
Après le Traité de Versailles, les politiques de sanctions économiques furent alors envisagées comme une nouvelle « arme de paix » pour l’Europe et le système international. Or, l’effondrement de la Société des Nations (SDN) dans les années 1930, puis les blocages de l’ONU depuis le début de la guerre froide ont remis en question l’efficacité de cette arme. Depuis les années 1990, souvent surnommées « décennie des sanctions », celles-ci ont été fort souvent employées tant par l’ONU que par les grandes puissances, États-Unis en tête : les politistes sont néanmoins d’accord pour pointer leur efficacité limitée et, pis encore, leurs effets indésirables pour les puissances mêmes qui les ont utilisées. Lire la suite
À la fin du XXe siècle et au début du XXIe, les sanctions économiques sont devenues la réponse courante aux velléités de prolifération. Derrière un universalisme de façade, garanti par le sceau des Nations unies, les sanctions sont historiquement l’œuvre des États-Unis, complétée aujourd’hui par la politique de l’Union européenne. Pourtant, la capacité des États proliférants à poursuivre leurs programmes nucléaires – et balistiques – interroge l’efficacité et la viabilité des mesures de sanctions économiques en la matière. Lire la suite
L'affirmation et la résilience des grandes puissances dans un contexte de « guerre des sanctions »
À partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont développé un véritable arsenal administratif et juridique pour accompagner l’utilisation croissante des sanctions économiques en matière de politique étrangère. Les programmes de sanctions américains ont connu de profondes mutations depuis la fin de la guerre froide, se traduisant par un renforcement de leur portée extraterritoriale, un ciblage plus précis des entités sanctionnées et une surveillance accrue des flux financiers. Alors que les États-Unis doivent faire face à de nouvelles stratégies de contournement de leurs sanctions depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, il apparaît pertinent d’étudier les dimensions juridiques et techniques de la politique de sanctions économiques américaine. Lire la suite
Au XXe siècle, les politiques de sanctions économiques sont devenues une arme privilégiée des grandes puissances. En particulier, les États-Unis n’ont cessé d’« arsenaliser » leur force de frappe monétaire et financière pour soumettre leurs compétiteurs, sans avoir à les combattre. La question se pose de savoir si, après avoir été un instrument de puissance pour l’Amérique, les politiques de sanctions ne seraient pas, paradoxalement, en train de devenir l’un des facteurs de son déclin. Le développement de dispositifs anti-sanctions dans les pays du « Sud global », ainsi que l’émergence d’une « alliance tacite » entre Pékin, Moscou voire Téhéran à la faveur de la guerre en Ukraine, apparaissent aujourd’hui comme les principaux effets pervers de l’accoutumance américaine aux politiques de sanctions. Lire la suite
Les sanctions économiques à l’encontre de la Russie sont l’un des principaux volets du soutien occidental à l’Ukraine. Cependant, le décalage entre les attentes des élites occidentales et les résultats des sanctions interroge sur leur degré de connaissance de la Russie et sur leur capacité à prendre en compte les nouveaux équilibres internationaux. La résilience de l’économie russe peut s’expliquer notamment par la politique d’autonomisation économique mise en œuvre par le Kremlin et par le refus des puissances émergentes de participer aux sanctions. Il convient néanmoins de s’interroger sur la durabilité de la résilience russe face aux problèmes structurels internes, aux conséquences à moyen terme des sanctions ainsi qu’au poids des dépenses militaires. Lire la suite
La Chine s’est progressivement dotée d’une politique propre en matière de sanctions, qui est une conséquence de sa montée en puissance économique et d’un durcissement des relations sino-américaines, illustré par la guerre commerciale ayant opposé Washington et Pékin. Cette nouvelle approche a requis une refonte du dispositif juridique et institutionnel chinois afin de donner à Pékin une plus grande flexibilité dans le maniement des sanctions. Les sanctions chinoises sont fondées sur la défense d’intérêts dits « de souveraineté ». Si leur usage a traditionnellement été réactif et défensif, l’adoption d’un dispositif juridique plus élaboré a permis à la Chine d’utiliser de façon croissante les sanctions comme un levier de sa politique étrangère, traduisant un changement dont les conséquences sont importantes. Lire la suite