Le soldat augmenté : optimisation de la gestion du sommeil
Actes enrichis du colloque organisé
par l’observatoire des Enjeux des Nouvelles Technologies pour les Forces
du Centre de recherche de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan
avec l’Institut de recherche biomédicale des armées
le mercredi 29 septembre 2021 à l’École du Val-de-Grâce
Le sommeil est un élément indispensable aux combattants, tant sur le plan physiologique que psychologique. Il permet de maintenir, voire d’améliorer, ses performances, sous réserve que la période relative au sommeil soit de qualité.
Or, les militaires déployés sur le terrain sont susceptibles de vivre des situations difficiles au cœur de missions longues et/ou intenses, dans des environnements éprouvants voire extrêmes, les privant ainsi d’un sommeil réparateur. La fatigue en opération, accumulée par cette dette de sommeil, tend à être chronique, d’autant plus que le temps de récupération, bien souvent perturbé, est une contrainte pour le chef militaire qui le voit souvent comme un temps d’indisponibilité opérationnelle pour son unité.
Les combattants deviennent ainsi plus somnolents et par conséquent plus vulnérables dans leurs capacités de vigilance, d’attention, exécutives et décisionnelles et concourent à une baisse de leurs performances opérationnelles et de leur moral.
Sommeil et fatigue sont donc le plus souvent vus comme deux maux ennemis des combattants et des forces de sécurité, deux mots antinomiques avec leurs missions.
Cet ouvrage, codirigé par le Centre de recherche de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan et l’Institut de recherche biomédicale des armées, a pour objet de montrer la réalité du sommeil en opérations militaires et de mieux faire comprendre ses mécanismes, ses liens avec la vigilance, la performance et son rôle pour les combattants. Il présente comment ces derniers peuvent l’appréhender, le contrôler, l’optimiser en mission opérationnelle dans le but de toujours accomplir leurs missions, tout en assurant leur propre sécurité et celle de leurs camarades.
Cahier numérique - Mai 2022 - 152 pages
Feuilleter ce Cahier
Préface - Haude Tymen - p. 7-9
La lutte contre le sommeil et la quête effrénée d’un temps de récupération sont des sujets récurrents dans les campagnes militaires. Pendant la Première Guerre mondiale, dans les tranchées, les Poilus dorment debout, assis, accroupis, au mieux recroquevillés. Ils dorment dès qu’ils le peuvent, tant l’occasion de dormir est hypothétique avant la prochaine relève. Lire la suite
Introduction - Hervé Courrèges (de) - p. 10-12
« Le mécanisme de la guerre se borne à deux choses : combattre et dormir », indiquait le général Antoine Fortuné de Brack qui a commandé l’école de cavalerie de Saumur au milieu du XIXe siècle. Lire la suite
En milieu militaire, et selon le type de mission dans laquelle le combattant est impliqué, les privations de sommeil peuvent être totales pendant un, deux, trois, jusqu’à quatre nycthémères complets (un nycthémère dure 24 heures, soit un jour et une nuit). C’est le cas des opérations dites soutenues (SUSOPS) (1). Dans d’autres situations, ces privations peuvent être partielles et fragmenter le sommeil nocturne. C’est le cas des opérations continues (CONOPS) (2), s’étalant sur plusieurs jours ou semaines. Lire la suite
Mieux comprendre le rôle du sommeil
Sommeil et performances - Arnaud Rabat - p. 25-35
Ce chapitre abordera la question de la relation entre sommeil et performances. Cette relation n’est pas aussi simple qu’elle pourrait le paraître intuitivement. Après un rappel de sa définition, la régulation du sommeil et le concept de dette seront évoqués. Puis seront abordés celui des performances, de leurs corrélats neuropsychologiques et des besoins métaboliques permettant ensuite d’envisager la nature des liens entre sommeil et performances. Cet article se finira par les considérations essentielles au maintien et à l’optimisation des performances du combattant (concept multifactoriel de la fatigue mentale, dynamique de l’éveil, contremesures, performance collective). Penser que dormir est une perte de temps est un non-sens physiologique, une erreur stratégique… Lire la suite
Sommeil et stress - Marion Trousselard - p. 36-42
Le couplage entre le stress et le sommeil conduit à s’intéresser à l’interaction entre l’individu et son environnement en intégrant la variabilité interindividuelle. Le système nerveux autonome parasympathique est un acteur important de régulation du stress et du sommeil avec de fortes différences entre les individus : les sujets avec un tonus parasympathique au repos élevé présentent une régulation du stress et du sommeil efficace. Le renforcement du tonus parasympathique doit être considéré comme un enjeu opérationnel pour les militaires. Si l’aguerrissement militaire permet son renforcement, les techniques d’optimisation du potentiel ont montré leur bénéfice sur le stress et le sommeil, particulièrement chez les militaires présentant un faible tonus parasympathique. Lire la suite
En plus de constituer un symptôme invalidant de l’État de stress post-traumatique (ESPT), les troubles du sommeil participent à la chronicisation et à l’aggravation de la pathologie en venant priver l’individu de l’effet réparateur d’un sommeil de bonne qualité. Dans la population militaire, il existe une sur-représentation des cauchemars traumatiques qui se distinguent par des spécificités tant sur le plan clinique que neurophysiologique et apparaissent être un marqueur d’évolution de la maladie. Nous avons récemment proposé un modèle d’intrication entre les troubles du sommeil et l’ESPT, intégrant les stratégies de prévention et de soins déjà mises en place dans les armées, la place des dispositifs d’enregistrement portables et certaines perspectives de recherche laissant envisager le développement de solutions thérapeutiques innovantes. Lire la suite
Sommeil et opérationnels : réalités, contraintes et réponses actuelles
La vie à bord d’un bâtiment de la Marine nationale comporte de nombreuses contraintes : promiscuité en milieu fermé, alertes continues, temporalité longue. Afin de rester opérationnel, le pilote doit apprendre à gérer la fatigue mentale et physique dans cet environnement contraignant. Cela suppose de suivre une hygiène de vie rigoureuse et d’apprendre à gérer une surcharge cognitive importante et permanente. Pour y parvenir, l’organisation des périodes de récupération constitue un principe essentiel. La gestion du sommeil doit s’établir dans une routine propre à habituer l’organisme sur le temps long, en adéquation avec les missions que le pilote est amené à remplir. Lire la suite
Au combat, les effets délétères de la fatigue ne doivent pas être négligés par les chefs et les cadres de contact. Dans une unité d’infanterie, la gestion de la fatigue dans la durée est collective. Seule la possibilité de remplacer chaque soldat par un autre, au moins aussi compétent, permet de maintenir le potentiel de combat de l’unité. Cette capacité à remplacer chaque soldat repose sur une densification de l’entraînement afin que chaque suppléant puisse s’entraîner au même niveau que le titulaire. En outre, densifier l’entraînement permet d’accroître l’intuition des combattants à laquelle ils ont recours en situation de fatigue. Lire la suite
Basé à Chamonix, le Groupe militaire de haute montagne garantit l’expérience et les savoir-faire montagne et grand froid pour l’armée de Terre. Que ce soit à l’entraînement dans les Alpes, en Himalaya ou aux pôles, ses membres sont confrontés en permanence à leurs propres limites. Ainsi au Groupe, parmi les facteurs déterminants et limitants, la bonne gestion du sommeil dans l’action est une clé de réussite. Combien de temps peut-on tenir sans dormir ? Peut-on s’accoutumer à une privation de sommeil ? Peut-on s’y entraîner ? Comment peut-on récupérer pendu au-dessus du vide, par - 20 °C et à plus de 7 000 m ? Lire la suite
Unité militaire de l’armée de Terre, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) intervient au cœur de la métropole parisienne et sur ses trois départements limitrophes. « Projetés en opération » en permanence, ses 8 500 sapeurs-pompiers interviennent, de jour comme de nuit, pour lutter contre tous les sinistres et secourir toute détresse. L’empathie, le respect et le haut niveau d’exigence physique imposent aux militaires une disponibilité physique et mentale irréprochables, amoindries cependant par le déficit de sommeil lié aux interventions nocturnes. L’optimisation du repos et la gestion du sommeil se retrouvent ainsi comme des enjeux clés pour garantir l’efficience du sapeur-pompier, la qualité de service de la BSPP et, in fine, la résilience du système de secours parisien. Lire la suite
Les forces spéciales sont soumises à des engagements opérationnels intensifs, éprouvants et répétitifs. Ils provoquent une usure opérationnelle due au manque de repos, dégradant les capacités physiques et mentales des forces. Pour y remédier sans recourir aux moyens technologiques qui peuvent faire défaut, l’équipe ARCHOs a cherché à optimiser la gestion du sommeil malgré le postulat d’un rythme de sommeil erratique induit par la conduite d’une opération. Cette optimisation suit trois axes : le changement de la perception et de la gestion de la fatigue dans le groupe, l’apprentissage des outils d’optimisation du repos et la mise à disposition d’un équipement adéquat. Lire la suite
Optimiser le sommeil pour les opérationnels
Les activités militaires altèrent la durée et la qualité du sommeil, pourtant essentiel à la santé et au maintien des performances mentales et physiques. Dans le contexte de la haute intensité, la gestion et l’optimisation du sommeil sont un enjeu opérationnel majeur pour maintenir dans la durée les performances des combattants et protéger leur état de santé. Les armées ont fait le choix de méthodes non pharmacologiques de gestion et d’optimisation du sommeil, dont l’efficacité a été démontrée dans des études de laboratoire et de terrain. L’optimisation du sommeil et de la récupération est un domaine de recherche et d’innovations avec des opportunités majeures offertes par le développement des objets connectés et de nouveaux outils d’analyses. Lire la suite
Le manque de sommeil a un impact négatif sur la cognition, les apprentissages ou encore sur la prise de décision. Le futur chef doit en prendre conscience et mettre en place des stratégies adaptées. Des moniteurs et instructeurs ORFA (Optimisation des ressources des forces armées), spécialisés sur les questions du stress et du sommeil, apportent ainsi des clés de compréhension et des outils efficients afin de répondre efficacement. La FI-ORFA (Formation initiale-ORFA) proposée aux élèves apporte donc des bases fondamentales pour se préparer psychologiquement à n’importe quelle situation. À l’heure du développement des forces morales pour faire face aux conflits de haute intensité, la méthode ORFA semble être un outil pertinent pour optimiser les capacités de chacun. Lire la suite
Sommeil et course au large - Jean-Yves Chauve - p. 97-106
La course au large suppose un effort de plusieurs semaines consécutives sans véritable période de récupération. Sans repos, un certain nombre de troubles sensoriels et cognitifs apparaissent et constituent un danger pour le skipper. Pour éviter la perte de vigilance et de performance induite, l’organisation du sommeil doit être optimisée tout en respectant le besoin de veille, indispensable pour garantir la sécurité en mer. Plusieurs types de repos sont pratiqués, par ailleurs calés sur les rythmes circadiens et biologiques afin de garantir la meilleure récupération possible. Couplée à une nutrition rigoureusement planifiée, la récupération sur temps court devient alors optimale. Lire la suite
Le rythme du sommeil est influencé par notre environnement (cycles jour/nuit) et à notre organisation sociale (temps de travail/temps de repos). Pour étudier les rythmes biologiques du sommeil et en tirer des enseignements, il faut déconnecter les individus des repères temporels naturels et technologiques. Afin de compléter les expériences préexistantes sur ce sujet, l’expérience Deep Time a été mise en place. Elle visait à plonger 14 individus ordinaires dans un espace sans repères temporels (la grotte de Lombrives en Ariège, France) pendant 41 jours pour observer leur adaptation au milieu, leur perception individuelle du temps et leur synchronicité sociale pour la réalisation de tâches collectives. Lire la suite
Les développements technologiques au service de la gestion du sommeil
Conscious Labs, entreprise française de neuro-technologies développe des dispositifs de mesure de l’activité cérébrale de nouvelle génération. Ces dispositifs constituent des outils originaux et innovants pour la gestion et l'optimisation du sommeil. Lire la suite
Gérer au mieux la déficience de sommeil
Les situations dans lesquelles on peut ne pas bien dormir, même s’il faut dormir, sont souvent la conséquence d’un excès d’activation durant la journée précédente (chaleur, exercice excessif, peur…) ou d’un environnement agressif durant le sommeil (chaleur, froid, bruit…). Un mauvais sommeil peut également s’expliquer par un excès de réactivité de l’individu à un environnement pourtant modérément agressif. La qualité du sommeil, reflet de l’interaction entre individu et environnement, a donc le stress pour médiateur. Les contre-mesures dépendent alors du contexte et des mécanismes de l’insomnie et peuvent associer nouvelles technologies et recettes éprouvées. Lire la suite
Le bon repos de la troupe est un souci du chef militaire depuis que les armées font campagne. Cette question déjà difficile avec les conditions de vie et d’emploi très exigeantes des opérations, et même des entraînements, est devenue un véritable défi avec l’envahissement du numérique au quotidien. Comment dès lors, non seulement préserver, mais imposer des phases de sommeil réparateur dans cet environnement ? Cet article, après avoir rappelé le rôle premier que joue le commandement, pose le constat actuel des contraintes de la numérisation. Il propose enfin des pistes pour relever ce défi. Lire la suite
Conclusion
Conclusion - Éric Valade - p. 143-144
« Ce thème du sommeil me rappelle mon premier poste chez les fusiliers marins commandos dans les années 1990, où la problématique du sommeil en opération était déjà une préoccupation, du moins pour le médecin que j’étais. Et toute la difficulté était de faire comprendre à nos troupes d’élite que le sommeil était un élément incontournable de la réussite de leur mission et de leur sécurité. » Lire la suite
Postface - Gérard Boisboissel (de) - p. 145-146
Le général de division Bernard Barrera affirmait en 2017 que le « Graal » depuis si longtemps recherché, mais jamais atteint pour le soldat était « la limitation drastique, dans la durée, des besoins en sommeil, et l’augmentation de la rapidité de la récupération ». Lire la suite