Du général Claude Le Borgne, Montaigne aurait pu dire qu’il était « un philosophe imprémédité et fortuit ». D’abord parce que Le Borgne, c’était une prose enthousiasmante de phrases courtes, sans fioritures ni faux aphorismes, de mots simples, mais soigneusement choisis. Le Borgne c’était également quelqu’un qui parlait comme il écrivait, parce qu’il écrivait comme il s’exprimait. Lors de notre première rencontre à l’École militaire, nous nous disputâmes quelques instants entre petits fours et coupe de champagne, et au bout de cinq minutes il me demanda sur son ton habituel : d’ailleurs, vous êtes qui, vous ? Je me présentai : bien sûr, c’est vous qui publiez des âneries ! Lire la suite
Salviati : Que lisez-vous avec autant d’amusement que d’effarement ? Lire la suite
Voilà dix ans que nous ne sommes pas fichus de conclure la guerre contre des branquignols enturbannés roulant dans des pick-up dégingandés, armés d’AK-47 de fabrication serbo-pachtoune rafistolées au chatterton. Cela ne nous dissuade pas de multiplier les ouvrages et les colloques, à l’image de celui de septembre 2015 sur la « CyberDefense, le combat des guerres de demain » ; comme si celle du Levant comptait pour du beurre et n’était qu’une invention de journalistes en quête de marronnier. Et ce n’est pas du fait d’un titre réducteur puisqu’on a pu y dire que « la Réserve opérationnelle est censée pouvoir puiser dans un pool d’experts en prévention d’une crise future, et évaluer les potentiels de demain ». Lire la suite
Avec la fin des chaleurs estivales et du temps des touristes est revenu celui des promenades sur la Seine et des retrouvailles avec des camarades perdus de vue, dont il faut supporter les jérémiades lorsqu’ils se lamentent que la boussole du monde est cassée alors que ce sont eux qui ne savent plus la lire. Ça disputa donc de tout et de rien, comme de ce test que je leur soumis, de la baignoire à vider, du seau et du dé à coudre. Leurs réponses furent à la mesure de ces handicapés incapables de penser out of the box, ceux dont Léon Bloy écrivait dans Exégèse des lieux communs qu’ils ont décidé une bonne fois pour toutes de ne plus faire usage de la pensée : le seau, ça va plus vite mais le dé à coudre enlève jusqu’à la dernière goutte… Tempête sous des crânes jusqu’à ce qu’un des ânes de Buridan montre un quai et s’écrie : un petit Syrien échoué ! Lire la suite
Billet - Passant, va dire à Bruxelles…! (T 669)
- Le Cadet - 1 pagesOn peut penser ce que l’on veut de ces Jeunes Grecs tout aussi arrogants que dispendieux, en un mot infréquentables, et continuer en pure perte à dire d’eux pis que pendre ; la question n’est plus là, tout comme relève désormais des études des historiens la relation des circonstances dont l’enchaînement a conduit à ce nœud gordien que les héritiers d’Alexandre vont, cette fois-ci, nous laisser trancher…/…
Celui que nous célébrons en ce bicentenaire de Waterloo savait qu’on fait la guerre avant de disserter de stratégie, que s’il faut aller du particulier au général il est essentiel de penser local et d’isoler un événement. Les empires se glissent, disait-il, dans la distance qui sépare une bataille gagnée d’une bataille perdue. Prenons la campagne de 1809 : alors que l’armée est partagée entre le Tage et le Danube, les Britanniques débarquent dans l’embouchure de l’Escaut. Panique à Paris au sein de l’élite du monde déjà rétréci, qui s’imagine l’ennemi héréditaire sur les moulins de Montmartre et décrète la levée des gardes nationaux jusqu’en Italie. Mais colère de l’Empereur qui connaît sa carte et qui, de Vienne, rapporte la mesure, expliquant pourquoi Albion va perdre dans ce Gallipoli flamand vingt milles hommes qui seraient plus utiles à Wellington tout juste arrivé en Ibérie. Lire la suite
Où sont les stratèges pour nous aider dans le dossier russe ? Se lamentent les va-t-en-guerre de la terrasse de Lipp en scrutant celle du Flore. Il est vrai que plutôt que de se complaire dans des truismes sans affect, il aurait sans doute été plus utile de consulter les rapports de nos services de renseignement ou de lire Le Cadet (« Za Rodinu », avril 2014), et à défaut de se replonger dans Gogol et Dostoïevski comme le suggérait un article de Foreign Policy, voire de visionner ne serait-ce qu’une seule des productions russes sur la guerre, comme La balade du soldat, plutôt que de se ridiculiser dans la pantalonnade ukrainienne. Lire la suite
– Allons, Soult, qu’avons-nous pour cette guerre que ces messieurs du Congrès de Vienne me font ? Commençons par les cuirassiers de Milans et Kellermann. Lire la suite
Le terrorisme n’a rien à voir avec l’Islam, n’a-t-on cessé de marteler selon le syllogisme qui veut que tous les Musulmans ne soient pas terroristes mais croient tous que le Coran est la parole de Dieu, donc que les assassins ne s’inspirent pas de préceptes religieux. D’ailleurs des croyants sont brûlés vifs ou égorgés. Mais lorsque nos enseignants sont confrontés au refus de discuter de Darwin, au rejet du libre-arbitre et de la mixité, les inspirations ne viennent pas de l’Almanach Vermot. Et les Juifs attaqués ne l’ont été ni par hasard ni par erreur. Lire la suite
Ce n’étaient pas les Encyclopédistes, loin de là, mais imaginons deux fêlés du cigare débarquant un matin de 1751 au café Procope et dézinguant Diderot, d’Alembert et Buffon, y ajoutant Montesquieu passé en ami. La France a connu bien des épreuves, celle-là est nouvelle en mille ans d’Histoire. Et tandis qu’une classe politique abonnée à la tribune présidentielle du PSG somme, par manque de courage à désigner elle-même l’ennemi, la Grande Mosquée de Paris de faire le ménage chez les salafistes, le reste du monde célèbre la France. Lire la suite
Une idée digne de la Grande Duchesse de Gerolstein : c’est par ces mots que Lyautey, ministre de la Guerre, prit connaissance du plan Nivelle. Qu’aurait-il dit d’une diplomatie encalminée et d’une France prise en étau entre le souvenir d’un enchaînement mortifère dont elle commémore le centenaire, et les déclamations bellicistes d’un autre Grand Duché, de Varsovie ? N’aurait-il pas été consterné du délitement d’une paix dite kantienne pour laquelle des millions d’Européens se sacrifièrent dans les tranchées, mais dont un idéologue d’outre-Atlantique nous dit naguère tout le mal qu’il fallait en penser, avant que sa moitié ambassadrice n’ait remis en vigueur le vieux slogan Drang nach Osten ? Lire la suite
Il y a exactement soixante-dix ans, au soir du 5 juin, les généraux allemands de l’OKW furent alertés par la répétition, parmi les messages de la BBC à la Résistance, de la seconde partie du vers de Verlaine, quelques jours après la diffusion de la première moitié. Auraient-ils été saisis par la modernité cybernétique comme Monsieur Le Trouhadec par la débauche, et atteints de ce virus de la réunionite qui sévit dans nos états-majors otanisés, ils auraient alors organisé un colloque sur les rapports entre métadonnées et poésie. Plus prosaïquement, ils mirent en état d’alerte les 15 000 hommes de la 21e PzrDiv, qui passèrent une nuit blanche à faire les pleins et remplir les casiers à munitions. Pour le reste, n’aurait été le pilonnage par l’aviation alliée de tous les nœuds ferroviaires au nord de la Loire et des ponts sur la Seine, Verlaine ne les prévenait pas de ce qui se tramait. Lire la suite
Cher Monsieur Tranh, nous ne nous sommes jamais rencontrés et pourtant je vous connais. Vous avez été ce pensionnaire du petit collège qui passait en colonne par deux les ponts sur le Mékong, et y croisait peut-être une jeune fille prénommée Marguerite qui dressait un barrage contre le Pacifique. Vous avez été ce lycéen qui assista hébété à l’effondrement d’un colonisateur qui s’était compromis avec le Japon alors qu’il croyait composer avec lui. Vous avez été ce bachelier qui vit Leclerc parcourir les rues de Hanoï main dans la main avec l’Oncle Ho, avant que la métropole ne se crispe sur des privilèges d’un autre temps. Vous fûtes surtout ce jeune fonctionnaire, passerelle entre deux mondes, une encore grande puissance venue d’ailleurs et un peuple pacifique mais dur car suffisamment droit dans ses bottes pour qu’on n’y dépose rien dedans, pour reprendre la forme châtiée d’une formule consacrée. Lire la suite
Les hommes, écrivait Homère, finissent par se lasser de tout, sauf de la guerre. Surtout ceux qui ne la connaissent que de très loin. Nous avions, sur l’insistance d’un arrière-front germanopratin, eu celle de Libye dont Le Cadet avait anticipé l’ineptie (« Aux stratèges de salon », juin 2011) et qui a déstabilisé l’Afrique. Puis soutenu les pétrodollars recyclés dans le Jihad en Syrie, tandis que d’aucuns s’étonnent que l’argent du ballon rond et du paiement des amendes des filles voilées serve également à débaucher dans les banlieues. Et voilà que les mêmes boutefeux, dont l’incompétence ne le cède qu’à l’inconséquence, nous ont entonné l’air du linge pendu sur les collines de Sébastopol. Lire la suite
Du temps où le Cadet travaillait pour ce qu’on nommait le grand capital, il dut expliquer à un président contrarié que la transposition du trust anglo-saxon dans la loi française se heurtait à la réserve héréditaire du Code Napoléon, et que l’intégrité du patrimoine avait déjà été prétextée par les Ultraroyalistes pour tenter de rétablir le droit d’aînesse. Il dut faire de même pour le squeeze out des actionnaires minoritaires, que la Chancellerie nommait à juste titre expropriation pour cause d’utilité privée, contraire à l’article 17 de la Déclaration des droits de 1789, et qui ne fut finalement adoptée qu’à la faveur d’un artifice législatif. Car c’était un temps où l’on avait encore des pudeurs. Lire la suite
Retournons dans l’Espagne de 1809, décidément laboratoire des conflits à venir, de Saragosse à Guernica. On connaît la série de gravures qu’en fit Goya, dans la lignée des horreurs de la guerre de Callot. Et pourtant on y tenta dès cette époque la conquête des cœurs et des esprits, la même qu’en Irak et en Afghanistan, le management militaire a baptisée COntre INsurrection, hésitant dix années durant, entre Lyautey et sa pacification – dès lors qu’on veut bien oublier nos razzias dans le Sud marocain qui s’éternisèrent jusqu’au milieu des années 1930 – et la guerre du Rif où l’on écrasa les villages à coups de FT-17, de 75 et de Spad. Lire la suite
François Michel Le Tellier, marquis de Louvois, fut secrétaire d’État à la guerre de Louis XIV. On sait que son succès ministériel fut de résoudre la question des soldes et d’en finir avec le retard chronique dans le paiement des troupes. Les militaires qui me lisent, mis en péril par le tropisme cybernétique de consultants qui n’ont jamais vu le feu, me pardonneront cette diagonale historique facile, mais regretteront avec moi le temps où les commis faillis mettaient leur tête sur le billot. Les Républicains d’autrefois, écrivait Albert Mathiez, apprenaient la politique à l’école de Montesquieu, de Rousseau et des anciens. Ils ne l’apprenaient pas dans les antichambres ni dans ces cercles où l’on mange sous l’effigie de Marianne. Mais peu à peu s’est miné le sens et le besoin des responsabilités, s’est détendu ce ressort moral, cette rigidité de principes, cet appétit de clarté qui ont fait la grandeur des ministres de l’ancienne monarchie comme leurs émules de la Convention et du Comité de salut public. Les mœurs féodales de la clientèle ont remplacé la noble et nécessaire émulation pour le bien public, sans laquelle les États périssent. Lire la suite
Combats en milieu urbain ; voilà, paraît-il, une nouveauté nouvelle, entendons par là un vieux truc qu’on avait voulu oublier. Relisons plutôt l’Histoire de l’Empire de Thiers et ses développements sur la guerre d’Espagne. Saragosse 1809 ou Gaza 2009, à deux siècles de distance, ce sont les mêmes héroïsmes dans la défense indigène et, pour la réduire, les mêmes terribles expédients. Lire la suite
Il y a plus de vingt ans de cela, un auteur de mes amis écrivit les mémoires apocryphes d’un lointain parent, l’abbé Duvernet, enfermé à la Bastille pour mauvais esprit envers Louis XVI. Il imagina que le roi, cherchant à prévenir une révolution déjà faite dans les esprits, aurait eu l’idée de couvrir le royaume de lanternes et de cornets acoustiques et de faire ouvrir le courrier de la Poste. Mais la guerre des Farines faisait échouer le projet et le ministère Turgot se repliait sur l’expédient des lettres de cachets, faisant pendre deux adolescents pris au hasard parmi les émeutiers. Lire la suite
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