Publiées régulièrement, ces analyses inédites d’ouvrages sont en accès libre, tout comme les recensions publiées dans l’édition mensuelle.
Si le comte Sforza, qui avait décrit la carrière de Venizélos comme une « leçon complète » de politique avait vécu plus longtemps pour observer la Révolution libyenne, sûrement l’aurait-il qualifiée de « leçon complète de coup d’État ». C’est la défaite de l’Égypte en 1967 qui fit l’effet d’un électrochoc sur les jeunes officiers libyens qui se firent un devoir patriotique de renverser le roi Idriss Senoussi, protégé et allié des amis d’Israël : la Grande-Bretagne et les États-Unis. « Mais qui sont ces militaires qui ont pris le pouvoir en Libye le 1er septembre 1969 à l’issue d’un coup d’État qui n’a duré pratiquement que quelques heures ? » Il leur a fallu surmonter bien des obstacles : la dispersion des hautes autorités entre Tripoli, Benghazi et Beida, l’existence d’une police omniprésente, qui dispose de plus d’effectifs, d’armes et d’engins que l’armée. Un secret total aura été gardé jusqu’au bout.
Ancien ambassadeur, et enseignant au Centre d’études diplomatiques et stratégiques, Eugène Berg retrace à travers cet ouvrage la création de l’ordre mondial. Pour ce faire, l’auteur prend le parti d’appuyer sa démonstration sur le concept du « piège de Thucydide » (1) qui sera régulièrement évoqué au cours du livre. Autrement dit, selon ce concept, les successions de guerres majeures entre puissances hégémoniques et forces et nations émergentes donneraient lieu à de nouveaux équilibres. Eugène Berg dénombre quatre grandes phases qui ont mené à l’ordre dans lequel nous vivons aujourd’hui.
À l’heure où la place des femmes dans la politique russe est inférieure à celle qu’elle fut durant la période soviétique, il est intéressant de se plonger sur la place exceptionnelle de Catherine II. Emprunte de l’esprit des Lumières, cette souveraine avait acheté la bibliothèque de Voltaire, accueilli quelques mois Diderot et écrit, en français, une histoire de la Russie.
Contrairement à ce que son titre semble suggérer, ce livre n’est pas une histoire du développement de la bombe atomique, de la dissuasion ou de la prolifération, mais une histoire des différentes crises atomiques qui se sont succédé depuis 1945, ce qui en renforce d’ailleurs l’intérêt. Une crise nucléaire se définit pour Jean-Marc Le Page comme « un moment qui met la dissuasion nucléaire à l’épreuve d’une situation de tension, qu’elle soit intentionnelle ou accidentelle ». Ces crises ont connu des durées variables de treize jours (crise de Cuba) jusqu’à plusieurs années (crise des euromissiles qui s’étend de 1979 à 1987). De 1945 jusqu’à nos jours, on peut répertorier 28 épisodes de tension particulièrement aigus, les années de guerre froide étant bien sûr les plus intenses (surtout les décennies 1950 et 1960), alors que les années 2000 sont les plus calmes.
« Depuis la guerre américaine au Vietnam (1965-1973)… les Occidentaux n’ont, dans les guerres révolutionnaires, connu que des non-victoires qui sont des échecs politiques. C’est à ce reflux […] que j’ai assisté depuis plus d’un demi-siècle », nous explique Gérard Chaliand dans son ouvrage, intitulé justement Des guérillas au reflux de l’Occident. Il y fait le bilan de son itinéraire d’« observateur-participant » dans un certain nombre de guérillas depuis les années 1960. Ce terme peut intriguer même si l’auteur s’en explique brièvement (« quant au maniement des armes, l’observateur-participant n’a pas à s’en servir, sauf quand il faut rompre un encerclement où il n’y a plus, pour ceux d’en face, que des cibles »). Il s’agit à l’origine d’une méthode d’observation ethnographique visant à atteindre « la compréhension de l’autre dans le partage d’une condition commune » (Alain Touraine).
« Nothing is more unconventional than conventional war » : tel est le constat, en forme de slogan, posé par Sean McFate, professeur de stratégie à la National Defense University. Cette annonce de la mort du conflit interétatique de type westphalien peut sembler banale dans un paysage où on ne compte plus les ouvrages sur les « nouvelles guerres », mais le propos de McFate, salué par la critique outre-Atlantique, mérite néanmoins que l’on s’y attarde. L’auteur ne tombe pas dans l’écueil récurrent du recyclage de la fausse image de la « ruse » orientale – forcément subtile – opposée à la « force » occidentale – forcément aveugle : comme l’a bien montré Jean-Vincent Holeindre , cette opposition est infondée, aucune culture n’ayant le monopole de l’une ou de l’autre.
L’Europe est à l’évidence un continent guerrier et la conflictualité traverse toute son histoire. Depuis le milieu du XVIIIe siècle, environ 160 guerres et 600 grandes batailles s’y sont déroulées sur trois principaux théâtres d’opérations : l’axe Varsovie-Moscou, l’espace situé entre la Seine et le Rhin, la région située entre la Thrace et Salonique. Quelles en furent les causes ? Comme le remarque Béatrice Heuser, « les monarchies européennes ont probablement connu plus de guerres en raison de successions dynastiques contestées et de conflits religieux que pour toute autre raison ».
Le dernier livre du professeur Jean-Pierre Arrignon est le résultat de cinquante années de recherches sur le monde russe, et notamment sur la Russie médiévale et l’influence byzantine. Le livre se distingue d’autres histoires de la Russie à deux égards. En premier lieu, Arrignon est parti de l’approche que les Russes se faisaient eux-mêmes de leur histoire. Ce parti pris assumé se ressent d’ailleurs souvent à la lecture du livre. En second lieu, il nous propose une « histoire globale » qui s’étend à l’art, à la littérature et à la culture en général, et qui rompt ainsi avec les approches événementielles souvent rencontrées. L’ouvrage comprend notamment quelques excellents paragraphes sur la littérature russe en son âge d’or (1860-1930).
D’un strict point de vue opératif, la bataille de France fut perdue lorsque le premier panzer allemand atteignit les côtes de la Manche, le 20 mai 1940. À la fin du mois de mai, après trois semaines de combat, l’armée française se retrouve presque seule face à la Wehrmacht. Le 28 mai, l’armée belge avait capitulé, en ayant prévenu ses alliés deux heures auparavant. Le rembarquement de l’armée britannique à Dunkerque (seules deux divisions resteront en France) et l’encerclement en Belgique de la meilleure partie de l’armée française, nous laissaient en forte infériorité numérique face à 139 divisions allemandes en ligne et 20 en réserve. Mais contrairement à ce que prétend l’historiographie anglo-saxonne qui arrête pratiquement le déroulé des opérations le 14 juin, date de l’entrée des Allemands dans Paris, l’armée française s’est battue jusqu’au bout, et même au-delà comme on le verra. C’est donc tout le mérite de Gilles Ragache de nous le rappeler dans son dernier livre, paru à l’occasion des quatre-vingts ans de la bataille de France.
Quelque peu tombée dans l’oubli aujourd’hui, la conspiration des quatre sergents de La Rochelle sous la Restauration a véritablement cristallisé l’opinion libérale, puis républicaine, alors qu’à aucun moment les conspirateurs n’ont manifesté la volonté de renverser la monarchie. Celle-ci, à l’apogée du mouvement des ultras, se considéra toutefois comme directement menacée et sa réaction fut à la mesure de cette crainte, ce qui explique que la répression fut sévère et brutale.
En octobre prochain, le conflit afghan – au moins dans sa deuxième version – aura duré vingt ans. C’est-à-dire pour les États-Unis qui en ont été les principaux protagonistes, plus que la guerre de Sécession, les deux guerres mondiales réunies, ainsi que la guerre du Vietnam. Bien sûr, le coût humain comme financier pour Washington (1 000 milliards de $) a été moins lourd ; mais on peut s’interroger sur les résultats réels d’une telle intervention. En réalité, le « pays de l’insolence » ou le « cimetière des Empires » est en guerre depuis près de quarante-trois ans. On peut ainsi se demander s’il est près de connaître la paix et quelle paix.
Inspecteur général de l’agriculture, Hervé Lejeune, coordinateur de cet ouvrage, a conduit de nombreuses missions en Afrique. Il a dirigé une organisation professionnelle agricole, participé au cabinet de Philippe Vasseur au ministère de l’Agriculture, conseillé Jacques Chirac à la présidence de la République et dirigé le cabinet du directeur général de la FAO. Aujourd’hui, administrateur de FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde) et de la Fondation Avril, il est professeur à l’Institut de droit rural et d’économie agricole. Dans ce livre, il réunit une série d’articles très précis, clairs et documentés, qui nous permettent de mieux comprendre ce continent si proche de nous, Français et Européen. Ce continent que nous croyons connaître, mais qui est beaucoup plus divers qu’on ne l’imagine et qui évolue surtout très vite.
Le parcours politique de Molotov commence avec la création fortement mythologisée du parti des bolchéviques, leur prise de pouvoir, et se termine au soir de l’existence de l’Union soviétique. Cette dernière survivra peu d’années au héros de ce livre, qui fut l’un de ses architectes.
Ce grand volume réunit une cinquantaine d’articles déjà publiés dans le magazine Guerres et histoire par une dizaine de contributeurs, plus quelques articles inédits, sur le thème de l’armée allemande au combat pendant la Seconde Guerre mondiale. L’ouvrage commence par « ancrer la Wehrmacht dans son passé prussien et impérial, qui lui a légué, d’une part, une culture militaire originale, d’autre part, une faiblesse de la pensée opérationnelle et, plus encore, stratégique ».
Ce dernier livre de François Kersaudy, directeur de la collection « Maîtres de guerre » chez Perrin, s’intéresse principalement au « de Gaulle stratège ». « Sous l’homme d’État, le politicien, l’érudit et l’écrivain, on trouvera invariablement le militaire », nous fait observer Kersaudy. Nous évoquerons surtout ici les aspects les moins explorés par ailleurs, en mettant surtout l’accent sur les idées stratégiques du général plus que sur les épisodes emblématiques de sa biographie, comme sa conduite de la 4è DCR en mai et juin 1940, et la mise en place de la France libre à Londres et à Alger. Et parmi sa pensée stratégique, nous privilégierons ses réflexions sur le commandement et sur la sélection des individus habilités à l’exercer. Ce sont en effet des réflexions qui sont toujours d’actualité.
On ne change pas les entreprises par décret : le titre est stimulant, et le contenu l’est, fort heureusement, tout autant ! Sociologue renommé des organisations, François Dupuy livre ainsi en 2020 le troisième tome de sa série Lost in management(dont le premier tome avait reçu en 2012 le prix du meilleur ouvrage sur le monde du travail), qui se distingue, tant sur la forme que sur le fond, de la production surabondante sur le thème désormais éculé du management. Sur la forme, d’abord, car le propos de François Dupuy est volontairement aux antipodes de la langue managériale qui psychologise à outrance et qui incarne la paresse intellectuelle de ceux qui refusent de se plonger dans la complexité des organisations, ces « ensembles de comportements humains » que notre auteur a étudiés pendant quarante ans. Le propos de François Dupuy est avant tout sociologique, c’est-à-dire scientifique, et pratique, c’est-à-dire tourné vers l’action. Sur le fond, ensuite, car celui qui fut le conseiller de nombreux dirigeants européens dresse un constat lucide et propose des solutions ancrées dans la pratique et éclairées par une saine théorie des organisations.
« La Renaissance florentine fut, à l’échelle de l’histoire occidentale, un instant miraculeux : au cœur d’une cité réduite à 50 000 habitants par la peste noire, apparut en effet, en l’espace de trois générations, ce qu’il fallait d’hommes de lettres, de philosophes, de philologues, d’artistes et d’architectes pour la faire briller aux yeux de l’Europe entière, comme la “nouvelle Athènes”. »
« Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui » disait Charles Péguy. Ou comment l’ancien aide à penser le nouveau. Telle est la démarche du capitaine de frégate (CF) Corman qui nous propose avec Innovation et stratégie navale une analyse vivifiante de notre environnement technologique bouillonnant au tamis des réflexions de six grands stratégistes navals français du XXe siècle : les amiraux Daveluy, Castex, Barjot, Labouérie et Lacoste, ainsi que le professeur Hervé Coutau-Bégarie. La démarche se veut pragmatique, et le résultat est incontestablement au rendez-vous.
Né à Bakou, alors en Russie, en 1895 d’une mère russe et d’un père allemand, Richard Sorge deviendra bientôt selon les mots de Ian Fleming, le créateur de James Bond, « l’espion le plus exceptionnel de l’histoire ». Il avertira Moscou en juin 1941 du déclenchement de Barbarossa, ce qui ne l’empêchera pas d’être parfois considéré par les Russes comme un agent double. Espion mythique s’il en est, la constitution de son réseau à Tokyo sera étudiée à la loupe par le contre-espionnage américain au début de la guerre froide afin de prévenir la survenance de cas similaires sur le territoire des États-Unis. Cette toute nouvelle biographie, due à un journaliste britannique, Owen Matthews, spécialiste de la Russie, n’en présente donc que plus d’intérêt. Et ceci du fait que son auteur a eu accès à des sources soviétiques capitales, telles que les télégrammes envoyés par Sorge et décodés par ses chefs, à un moment où ces sources étaient encore accessibles.
Absolument rien ne prédisposait, il y a quelques années, Mme Demélas, universitaire spécialiste de l’Amérique latine, à se plonger dans la guerre d’Indochine et à écrire cet ouvrage, Parachutistes en Indochine. Simplement, du fait des circonstances, une simple demande amicale, ce coup d’essai de l’auteur aboutit à un coup de maître en appliquant tout simplement la méthode historique, fondée sur la confrontation des sources primaires, après les avoir recensées.
On ne compte plus les ouvrages et les articles traitant des ambitions chinoises au XXIe siècle, terrestres ou maritimes, et dont la Belt and Road Initiative constitue la principale incarnation. Pourtant, l’essai du contre-amiral McDevitt, publié aux presses de l’US Naval Institute, mérite qu’on s’y arrête. En raison de la clarté du propos, mais surtout de la pertinence des analyses sur le plan maritime, et plus particulièrement naval. À travers huit chapitres, c’est en effet toute la dynamique de montée en puissance de la People’s Liberation Army Navy (PLAN) qui est mise en perspective depuis les années 1970, tant au niveau tactique que stratégique. En déclinant les trois volets déclaratoire, opérationnel et capacitaire de la stratégie navale chinoise, l’auteur offre une analyse globale de la place de la PLAN au service des ambitions chinoises.
Jonquille, c’est le nom de la compagnie d’infanterie du 16e bataillon de chasseurs à pied de l’auteur, le commandant Jean Michelin, qui est projetée en Afghanistan en mai 2012. C’est aussi le nom de ce récit, qui porte et passionne, qui livre avec sincérité et honnêteté le quotidien de l’auteur et celui de sa compagnie pendant cette opération extérieure de six mois.
Pour les Occidentaux, les maréchaux soviétiques se réduisent bien souvent à ce qu’ils voyaient lors des grands défilés militaires sur la place Rouge : le 9 mai, célébration de la Victoire et le 7 novembre, celle de la Grande révolution d’octobre : des vieillards en manteau gris, affublés d’une casquette démesurée, soufflée par le vent, exhibant sur leur poitrine des rangées innombrables de médailles. Gueorgui Joukov, le plus célèbre de cette riche pléiade était ainsi affublé de cinquante-six décorations, qui pesaient plus de cinq kilos. Pour comprendre que ceci n’était pas pure opérette, énumérons les six premières : pour la défense de Leningrad ; pour la défense de Moscou, dont il fut le sauveur en octobre 1941 ; pour la défense de Stalingrad, dont il fut le vainqueur le 2 février 1943 » ; pour la prise de Varsovie octobre 1944 ; pour la prise de Berlin fin avril 1945 ; pour la victoire sur l’Allemagne dans la Grande Guerre patriotique…
Samouraï légendaire, Miyamoto Musashi (1573-1645) est l’auteur du Traité des cinq roues (Gorin-no-sho), livre d’escrime au sabre tout autant qu’ouvrage de stratégie, qui est encore étudié aujourd’hui dans les académies militaires aux côtés de l’Art de la guerre du chinois Sun Tzu.
Léonid Brejnev a présidé aux destinées de l’Union soviétique pendant dix-huit ans, de la destitution de Khrouchtchev, le 14 octobre 1964, jusqu’à sa mort le 11 novembre 1982. Premier secrétaire jusqu’en 1966, il devient par la suite secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique (PCUS). À partir de 1977 – moment où l’URSS adopte sa dernière Constitution – il cumule ce poste avec celui de Président du Soviet Suprême, l’équivalent de chef de l’État.
La RDN est fière d'accompagner Nemrod – Enjeux contemporains de défense et de sécurité et ses auteurs dans la promotion de ce Cahier de la RDN. Venez retrouver l'équipe et les auteurs de « La guerre des sanctions » le mercredi 2 avril à la Librairie Pedone à Paris pour un temps d'échange sur ce sujet qui fait l'actualité.
Rendez-vous :
Mardi 2 avril
18h30-20h30
13 rue Soufflot – 75005 Paris
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