Publiées régulièrement, ces analyses inédites d’ouvrages sont en accès libre, tout comme les recensions publiées dans l’édition mensuelle.
Quelque peu tombée dans l’oubli aujourd’hui, la conspiration des quatre sergents de La Rochelle sous la Restauration a véritablement cristallisé l’opinion libérale, puis républicaine, alors qu’à aucun moment les conspirateurs n’ont manifesté la volonté de renverser la monarchie. Celle-ci, à l’apogée du mouvement des ultras, se considéra toutefois comme directement menacée et sa réaction fut à la mesure de cette crainte, ce qui explique que la répression fut sévère et brutale.
En octobre prochain, le conflit afghan – au moins dans sa deuxième version – aura duré vingt ans. C’est-à-dire pour les États-Unis qui en ont été les principaux protagonistes, plus que la guerre de Sécession, les deux guerres mondiales réunies, ainsi que la guerre du Vietnam. Bien sûr, le coût humain comme financier pour Washington (1 000 milliards de $) a été moins lourd ; mais on peut s’interroger sur les résultats réels d’une telle intervention. En réalité, le « pays de l’insolence » ou le « cimetière des Empires » est en guerre depuis près de quarante-trois ans. On peut ainsi se demander s’il est près de connaître la paix et quelle paix.
Inspecteur général de l’agriculture, Hervé Lejeune, coordinateur de cet ouvrage, a conduit de nombreuses missions en Afrique. Il a dirigé une organisation professionnelle agricole, participé au cabinet de Philippe Vasseur au ministère de l’Agriculture, conseillé Jacques Chirac à la présidence de la République et dirigé le cabinet du directeur général de la FAO. Aujourd’hui, administrateur de FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde) et de la Fondation Avril, il est professeur à l’Institut de droit rural et d’économie agricole. Dans ce livre, il réunit une série d’articles très précis, clairs et documentés, qui nous permettent de mieux comprendre ce continent si proche de nous, Français et Européen. Ce continent que nous croyons connaître, mais qui est beaucoup plus divers qu’on ne l’imagine et qui évolue surtout très vite.
Le parcours politique de Molotov commence avec la création fortement mythologisée du parti des bolchéviques, leur prise de pouvoir, et se termine au soir de l’existence de l’Union soviétique. Cette dernière survivra peu d’années au héros de ce livre, qui fut l’un de ses architectes.
Ce grand volume réunit une cinquantaine d’articles déjà publiés dans le magazine Guerres et histoire par une dizaine de contributeurs, plus quelques articles inédits, sur le thème de l’armée allemande au combat pendant la Seconde Guerre mondiale. L’ouvrage commence par « ancrer la Wehrmacht dans son passé prussien et impérial, qui lui a légué, d’une part, une culture militaire originale, d’autre part, une faiblesse de la pensée opérationnelle et, plus encore, stratégique ».
Ce dernier livre de François Kersaudy, directeur de la collection « Maîtres de guerre » chez Perrin, s’intéresse principalement au « de Gaulle stratège ». « Sous l’homme d’État, le politicien, l’érudit et l’écrivain, on trouvera invariablement le militaire », nous fait observer Kersaudy. Nous évoquerons surtout ici les aspects les moins explorés par ailleurs, en mettant surtout l’accent sur les idées stratégiques du général plus que sur les épisodes emblématiques de sa biographie, comme sa conduite de la 4è DCR en mai et juin 1940, et la mise en place de la France libre à Londres et à Alger. Et parmi sa pensée stratégique, nous privilégierons ses réflexions sur le commandement et sur la sélection des individus habilités à l’exercer. Ce sont en effet des réflexions qui sont toujours d’actualité.
On ne change pas les entreprises par décret : le titre est stimulant, et le contenu l’est, fort heureusement, tout autant ! Sociologue renommé des organisations, François Dupuy livre ainsi en 2020 le troisième tome de sa série Lost in management(dont le premier tome avait reçu en 2012 le prix du meilleur ouvrage sur le monde du travail), qui se distingue, tant sur la forme que sur le fond, de la production surabondante sur le thème désormais éculé du management. Sur la forme, d’abord, car le propos de François Dupuy est volontairement aux antipodes de la langue managériale qui psychologise à outrance et qui incarne la paresse intellectuelle de ceux qui refusent de se plonger dans la complexité des organisations, ces « ensembles de comportements humains » que notre auteur a étudiés pendant quarante ans. Le propos de François Dupuy est avant tout sociologique, c’est-à-dire scientifique, et pratique, c’est-à-dire tourné vers l’action. Sur le fond, ensuite, car celui qui fut le conseiller de nombreux dirigeants européens dresse un constat lucide et propose des solutions ancrées dans la pratique et éclairées par une saine théorie des organisations.
« La Renaissance florentine fut, à l’échelle de l’histoire occidentale, un instant miraculeux : au cœur d’une cité réduite à 50 000 habitants par la peste noire, apparut en effet, en l’espace de trois générations, ce qu’il fallait d’hommes de lettres, de philosophes, de philologues, d’artistes et d’architectes pour la faire briller aux yeux de l’Europe entière, comme la “nouvelle Athènes”. »
« Homère est nouveau ce matin et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui » disait Charles Péguy. Ou comment l’ancien aide à penser le nouveau. Telle est la démarche du capitaine de frégate (CF) Corman qui nous propose avec Innovation et stratégie navale une analyse vivifiante de notre environnement technologique bouillonnant au tamis des réflexions de six grands stratégistes navals français du XXe siècle : les amiraux Daveluy, Castex, Barjot, Labouérie et Lacoste, ainsi que le professeur Hervé Coutau-Bégarie. La démarche se veut pragmatique, et le résultat est incontestablement au rendez-vous.
Né à Bakou, alors en Russie, en 1895 d’une mère russe et d’un père allemand, Richard Sorge deviendra bientôt selon les mots de Ian Fleming, le créateur de James Bond, « l’espion le plus exceptionnel de l’histoire ». Il avertira Moscou en juin 1941 du déclenchement de Barbarossa, ce qui ne l’empêchera pas d’être parfois considéré par les Russes comme un agent double. Espion mythique s’il en est, la constitution de son réseau à Tokyo sera étudiée à la loupe par le contre-espionnage américain au début de la guerre froide afin de prévenir la survenance de cas similaires sur le territoire des États-Unis. Cette toute nouvelle biographie, due à un journaliste britannique, Owen Matthews, spécialiste de la Russie, n’en présente donc que plus d’intérêt. Et ceci du fait que son auteur a eu accès à des sources soviétiques capitales, telles que les télégrammes envoyés par Sorge et décodés par ses chefs, à un moment où ces sources étaient encore accessibles.
Absolument rien ne prédisposait, il y a quelques années, Mme Demélas, universitaire spécialiste de l’Amérique latine, à se plonger dans la guerre d’Indochine et à écrire cet ouvrage, Parachutistes en Indochine. Simplement, du fait des circonstances, une simple demande amicale, ce coup d’essai de l’auteur aboutit à un coup de maître en appliquant tout simplement la méthode historique, fondée sur la confrontation des sources primaires, après les avoir recensées.
On ne compte plus les ouvrages et les articles traitant des ambitions chinoises au XXIe siècle, terrestres ou maritimes, et dont la Belt and Road Initiative constitue la principale incarnation. Pourtant, l’essai du contre-amiral McDevitt, publié aux presses de l’US Naval Institute, mérite qu’on s’y arrête. En raison de la clarté du propos, mais surtout de la pertinence des analyses sur le plan maritime, et plus particulièrement naval. À travers huit chapitres, c’est en effet toute la dynamique de montée en puissance de la People’s Liberation Army Navy (PLAN) qui est mise en perspective depuis les années 1970, tant au niveau tactique que stratégique. En déclinant les trois volets déclaratoire, opérationnel et capacitaire de la stratégie navale chinoise, l’auteur offre une analyse globale de la place de la PLAN au service des ambitions chinoises.
Jonquille, c’est le nom de la compagnie d’infanterie du 16e bataillon de chasseurs à pied de l’auteur, le commandant Jean Michelin, qui est projetée en Afghanistan en mai 2012. C’est aussi le nom de ce récit, qui porte et passionne, qui livre avec sincérité et honnêteté le quotidien de l’auteur et celui de sa compagnie pendant cette opération extérieure de six mois.
Pour les Occidentaux, les maréchaux soviétiques se réduisent bien souvent à ce qu’ils voyaient lors des grands défilés militaires sur la place Rouge : le 9 mai, célébration de la Victoire et le 7 novembre, celle de la Grande révolution d’octobre : des vieillards en manteau gris, affublés d’une casquette démesurée, soufflée par le vent, exhibant sur leur poitrine des rangées innombrables de médailles. Gueorgui Joukov, le plus célèbre de cette riche pléiade était ainsi affublé de cinquante-six décorations, qui pesaient plus de cinq kilos. Pour comprendre que ceci n’était pas pure opérette, énumérons les six premières : pour la défense de Leningrad ; pour la défense de Moscou, dont il fut le sauveur en octobre 1941 ; pour la défense de Stalingrad, dont il fut le vainqueur le 2 février 1943 » ; pour la prise de Varsovie octobre 1944 ; pour la prise de Berlin fin avril 1945 ; pour la victoire sur l’Allemagne dans la Grande Guerre patriotique…
Samouraï légendaire, Miyamoto Musashi (1573-1645) est l’auteur du Traité des cinq roues (Gorin-no-sho), livre d’escrime au sabre tout autant qu’ouvrage de stratégie, qui est encore étudié aujourd’hui dans les académies militaires aux côtés de l’Art de la guerre du chinois Sun Tzu.
Léonid Brejnev a présidé aux destinées de l’Union soviétique pendant dix-huit ans, de la destitution de Khrouchtchev, le 14 octobre 1964, jusqu’à sa mort le 11 novembre 1982. Premier secrétaire jusqu’en 1966, il devient par la suite secrétaire général du Parti communiste d’Union soviétique (PCUS). À partir de 1977 – moment où l’URSS adopte sa dernière Constitution – il cumule ce poste avec celui de Président du Soviet Suprême, l’équivalent de chef de l’État.
Sekigahara... Sous ce nom qui signifie « prairie frontalière » en japonais, se livra en 1600 une bataille décisive qui mit fin aux guerres civiles alors endémiques au Japon et instaura le shogunat des Tokugawa.
Au prix de l’examen critique de vastes sources enfin accessibles, les auteurs livrent la biographie complète du mythique maréchal Gueorgui Konstantinovitch Joukov (1896-1974). Le chef décisif qui à Khalkhin Gol (1939) oblige le Japon à renoncer à la Sibérie pour le Pacifique, qui sauve Moscou, Leningrad et Stalingrad, qui prend Berlin, qui y préside à la capitulation allemande, qui arrête à la mort de Staline le chef de la police politique Beria. Mais qui, trop populaire et accusé à tort de bonapartisme, finit placardisé sous Staline de 1946 à 1953, puis pestiféré après 1957.
Tout le monde observe, non sans étonnement, avec un réel effroi, les agissements de plus en plus osés, agressifs et répétés de Recep Tayyip Erdogan, que l’on appelle de plus en plus le nouveau sultan ? Ne lui prête-t-on pas l’intention, après avoir rendu Hagia Sophia, ce cadeau offert au monde par son illustre prédécesseur Atatürk, au culte musulman de restaurer le califat en 1924, un siècle après sa suppression ? N’accueille-t-il pas ses visiteurs de marque dans son immense palais de 20 000 m² (cinq fois Versailles). Son tableau de chasse, paraît sans limites. Là, il confisque la démocratie et après le coup d’État mal ficelé du 15 juillet 2016, purge l’appareil d’État envoyant plusieurs dizaines de milliers de militaires, d’enseignants, de journalistes, de juges, sous les barreaux, en exil ou les privant de toute activité professionnelle. L’opposition, on la muselle, la presse et les artistes on les embastille, les minorités, pour l’essentiel Kurdes et Alévis, le tiers de la population, sans compter le reliquat de Juifs, d’Arméniens, de Lazes…, on les persécute afin de sauvegarder le mythe d’une nation turque homogène, sunnite, à l’unisson avec son leader naturel. Plus encore, à la faveur de sa victoire contre les ennemis de l’intérieur, voilà qu’Erdogan déploie ses ailes, son sabre dans toutes les directions.
« Les Allemands [sont] … plus insaisissables, plus indéfinis, plus contradictoires, plus inconnus, plus incalculables, plus surprenants que les autres peuples ne le sont à eux-mêmes ; ils échappent à toute définition, et cela suffirait pour qu’ils fissent le désespoir des Français ». Ce diagnostic que fait Nietzsche en 1886 caractérise plutôt bien l’esprit de l’époque, commencent par écrire les auteurs, tous deux nés en 1959, « enfants de la réconciliation franco-allemande ». Hélène Miard-Delacroix, professeure à l’Université de La Sorbonne à Paris, dont les travaux de recherche portent sur l’histoire allemande et l’histoire des relations franco-allemandes ; Andreas Wirsching, directeur de l’Institut für Zeitgeschichte de Munich-Berlin et professeur d’histoire contemporaine à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich.
La Turquie fait à nouveau débat, commence par écrire l’auteur. Convenons qu’il s’agit, depuis ces deux dernières années, beaucoup plus qu’une simple joute oratoire, intellectuelle et même historique, mais que la Turquie d’Erdogan est devenue une préoccupation majeure, pour l’Europe, comme pour l’Otan, comme pour bien de ses voisins, à commencer par la Russie. C’est cette novation géopolitique aux fortes consonances qu’il convient de tirer au clair. Souvenons-nous en : ce pays qui compte entre 4 et 5 millions de ses ressortissants, dont bon nombre de naturalisés en Allemagne et 700 000 en France, faisait encore récemment l’objet d’un débat positif – du redémarrage d’une relation forte avec l’Europe au moment de la candidature à l’Union européenne en 1999, jusqu’au virage radical de 2013 – battant en brèche l’ordre social et politique qui l’avait régi au cours des deux derniers siècles.
Le 18 août 2015, Khaled Al As’Ad, conservateur du musée de Palmyre, est assassiné par Daech, alors qu’une grande partie des vestiges de la ville antique sont détruits. Après l’avoir quelque peu oublié, le monde entier découvre alors que cette région, qui est encore en ce moment à feu et à sang, participe du patrimoine commun de l’humanité. C’est donc tout le mérite de ce nouveau volume de la belle collection Mondes Anciens de chez Belin de nous faire découvrir l’âge d’or du Proche-Orient romain.
Le brillant chef d’état-major de Foch pendant la Première Guerre mondiale et le général en chef malheureux de 1940 sont un peu oubliés aujourd’hui. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir suscité en leur temps nombre de controverses. Dès le début de sa carrière militaire, Maxime Weygand (1867-1965) se distingue déjà par un certain non-conformisme. Un peu plus tard, il refusera même de préparer le concours de l’École supérieure de Guerre, ce qui ne l’empêchera pas, d’ailleurs, d’être repéré par Joffre et admis directement au Chem, créé en 1911. En 1914, il se retrouve, simple lieutenant-colonel, à la tête d’un état-major d’armée. Doté d’une capacité de travail exceptionnelle, il formera avec Foch, tout au long de la guerre, un véritable « binôme ». C’est incontestablement l’un des organisateurs de la victoire de 1918.
Le général Dietrich von Choltitz (1894-1966) est issu d’une vieille famille militaire. Aspirant en avril 1914, il termine la guerre sous-lieutenant après trois blessures. Admis à rester dans la Reichswehr, il est en 1939 chef de bataillon au 16e régiment d’infanterie aéroportée qui se distingue lors de la prise de Rotterdam. À la tête de cette dernière unité, il protège les puits de pétrole de Ploiesti au printemps 1941, puis combat en Crimée, avant de participer à la prise de Sébastopol l’année suivante. Fin 1942, Choltitz commande un corps d’armée blindée autour de Stalingrad, puis sert en Italie et en Normandie, où son unité, le 84e corps d’armée est anéanti.
S’il est bien un homme familier des cercles du pouvoir aux États-Unis, c’est Robert Gates. Qu’on en juge : entré à la CIA en 1966, il servit pendant presque cinquante années sous huit Présidents différents, à des postes de premier plan, comme National Security Adviser (1989-1991), directeur de la CIA (1991-1993) ou encore comme Secretary of Defence (2006-2011).
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