Publiées régulièrement, ces analyses inédites d’ouvrages sont en accès libre, tout comme les recensions publiées dans l’édition mensuelle.
Professeur honoraire des universités, docteur honoris causa de l’université de Iaroslav, auteur de nombreux ouvrages sur la Russie, Jean-Pierre Arrignon a eu raison d’intituler sa dernière et heureuse synthèse, une histoire de la Russie et non l’histoire de la Russie. Car qui peut se targuer d’écrire en moins de 600 pages le récit complet de l’histoire de ce vaste État eurasiatique dont le destin nous a toujours concernés, mais dont bien des pages restent toujours disputées ou controversées.
Quatre-vingts ans après, la défaite de 1940 continue de susciter débats et interrogations. Le colonel Rémy Porte (er), ancien officier référent histoire pour l’Armée de terre, spécialiste de l’armée française des deux guerres mondiales se propose dans son dernier livre de corriger les idées reçues (et il y en a !) et de revenir aux faits. Constitué d’une trentaine de courts chapitres permettant de faire à chaque fois le tour de la question, l’ouvrage se révèle d’une lecture passionnante. Nous n’évoquerons ici que quelques-unes des questions soulevées par l’auteur.
Voilà des années que Joseph Staline figure au Panthéon des grands personnages de l’histoire russe, aux côtés d’Alexandre Nevski, vainqueur des chevaliers teutoniques, d’Ivan le Terrible, de Pierre le Grand, de Catherine II et de Lénine. Le trait commun de tous ces dirigeants, outre qu’ils sont auréolés d’une gloire posthume, est qu’ils ont été, soit des conquérants, soit des bâtisseurs d’empire, soit des créateurs ou des consolidateurs – comme le fut Staline – d’un État de type nouveau, longtemps conçu comme l’avenir de l’humanité. C’est ainsi que lorsque les Russes se penchent sur leur passé, Joseph Staline apparaît de moins comme un dictateur sanguinaire, mais plutôt comme le continuateur des grands monarques de la Russie éternelle.
De nos jours, Gerd von Rundstedt (1875-1953) est certainement le moins connu des généraux de la Wehrmacht. La biographie que lui a consacrée Laurent Schang n’en présente donc que plus d’intérêt. Descendant d’une longue lignée d’aristocrates prussiens, passé par l’école de cadets d’Oranienstein, puis celle de Gross-Lichterfeld, dont l’atmosphère est d’ailleurs excellemment décrite par Schang, Gerd von Rundstedt est nommé sous-lieutenant d’infanterie en 1893 à dix-sept ans. Il est élève à la Kriegsakademie de 1903 à 1906, et une fois breveté intègre le Grand État-Major en 1907, auprès duquel il sert trois ans avant d’être affecté en unité.
Dans un livre dense et qui porte à la réflexion, le colonel Frédéric Jordan, artilleur, vise à « initier les fondamentaux d’une culture de la victoire » en exposant « les ressorts, les exigences et les outils pour vaincre ». En treize chapitres consacrés aux principes de la guerre, à la logistique, à la guerre urbaine, à la gestion du feu, etc., l’auteur nous offre ainsi un vaste panorama de l’histoire militaire et de la pensée stratégique depuis 2 500 ans.
Les Français (Normands, Bretons et Basques) n’étaient venus pêcher la morue près des côtes de Terre-Neuve officiellement qu’à partir de 1508, mais de fil en aiguille, de rencontre en rencontre, les voilà qui commencent à hiverner sur les bords du Saint-Laurent, avant de remonter vers les Grands Lacs et de toucher le Mississippi. Avant la fondation de Québec en 1608, il y a un siècle d’échanges entre les Français et les Amérindiens dans ce qui est aujourd’hui l’est du Canada. Les rencontres ne sont certes pas toutes pacifiques, mais les objets troqués sont très vite accompagnés de mots.
« Qu’est-ce que l’armée française est venue faire dans cette galère ? » Question dérangeante, mais essentielle qui vient de plus en plus souvent à l’esprit lorsque l’on évoque l’intervention française au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane, opération de stabilisation qui a pris la suite de l’opération Serval lancée en janvier 2013. Si Serval a été militairement un succès, Barkhane donne le sentiment d’un enlisement sans fin. Depuis son déclenchement, les mouvances djihadistes ont étendu leurs actions à toute la zone sahélienne et les violences intercommunautaires se sont multipliées. On ne reprochera donc pas à Marc-Antoine Pérouse de Monclos, chercheur spécialiste de l’Afrique et des mouvements djihadistes, de poser cette question en des termes si directs dans son dernier ouvrage.
Pour le général André Beaufre (1902-1975), l’un des principaux stratégistes français contemporains (avec les généraux Gallois, Poirier et Ailleret), l’effondrement de l’armée française en 1940 est l’événement majeur du XXe siècle. Membre du Grand quartier général au moment des événements de mai et juin 1940, son analyse est particulièrement précieuse. Il l’a exposée brillamment dans un livre récemment réédité où alternent souvenirs de sa vie militaire (depuis Saint-Cyr en 1921 et la guerre du Rif pendant laquelle il fut blessé grièvement) et réflexions géostratégiques et militaires, le tout servi par une plume magnifique et un humour souvent acéré.
De la militarisation de la Rhénanie – le 7 mars 1936 – à la signature de l’accord entre la Grande-Bretagne et la Turquie, en mai 1939, l’enfant terrible de la classe politique britannique écrivit un article tous les quinze jours. On est frappé, une fois de plus par sa lucidité, son courage et sa force d’expression. Il s’insurge contre le défaitisme et le manque de courage des dirigeants britanniques face à la montée des périls, qu’il décrit avec une rare acuité. Le « vieux lion » rugit, tance ses pairs, dont il n’a pas de peine à dénoncer la pusillanimité.
Il est souvent convenu de parler de « divergence », de « révisionnisme » ou encore de « contestation de l’ordre mondial » lorsqu’il s’agit de qualifier les comportements des puissances (Chine, Russie, Turquie, etc.) qui remettent en cause les fondements du système international hérité de l’après 1945. C’est le prisme, aujourd’hui dominant dans les analyses, de la géopolitique.
« Neuf mois de belote, six semaines de course à pied » ? L’aphorisme de Céline, cynique autant que caricatural, sur la campagne de 1939-1940 est bien connu. Cet ouvrage vise à contredire cette « vérité », dans le sillage de l’historiographie du quatre-vingtième anniversaire de cette campagne malheureuse pour les armées françaises, qui tend à réhabiliter le combattant de 1940, dont on sait combien il avait été méprisé par ses anciens de la Grande Guerre au sein du monde combattant.
Penser l’événement, c’est-à-dire le réévaluer à bonne distance des modes en le dégageant de la gangue des illusions, est une des lignes de force de la pensée d’Hannah Arendt. C’est cette même exigence arendtienne qu’on retrouve dans l’essai que Cyrille Bret, philosophe et géopolitologue, consacre à l’événement terroriste et à l’« âge de la terreur » qui s’ouvre le 11/9.
En rassemblant les souvenirs du lieutenant Luciani, Philippe de Maleissye rend un immense service à tous ceux que passionne la guerre d’Indochine en même temps qu’un hommage à tous ceux qui l’ont faite, légionnaires en particulier. Par le biais d’entretiens dont les questions, savamment orientées, contraignent la mémoire à exprimer tout « son jus », nous partageons – parmi une multitude d’anecdotes, de portraits et de petits détails – deux ans dans une section du 2e REI en poste au col des Nuages et dans la région de Tourane (actuel Da Nang) entre 1949 et 1951 ; deux ans à Sidi Bel Abbès, comme instructeur, entre 1951 et 1953 ; le retour en Indochine entre 1953 et 1954 – un an au 1er BEP comme officier adjoint puis commandant de compagnie à Diên Biên Phu.
Le plan Marshall occupe une place à part dans l’imaginaire collectif. Comme l’écrit Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale, « des dirigeants du monde entier ne cessent d’en appeler à un nouveau plan Marshall », mais combien comprennent réellement de quoi il était question dans ce plan, comment il a été créé et comment il a été mené à bien ? Mais le plan Marshall ne se réduit pas, loin de là, au seul programme de redressement économique de l’Europe ; il a été conçu comme un instrument de combat destiné à empêcher Staline, qui avait établi son hégémonie sur une partie de l’Europe, de s’emparer de l’autre, l’occidentale. À ce titre, comme le démontre Benn Steil, c’est bien le plan Marshall qui a été le fait majeur déclencheur de la guerre froide, qui a recouvert de son manteau l’Europe et le monde durant quatre décennies et dont toutes les réminiscences n’ont pas totalement disparu.
Il y a quatre-vingts ans, le 10 mai 1940, trois panzerdivisionen (1re, 2e et 10e Panzer) composant le XIXe corps blindé du général allemand Guderian, percent le front français à Sedan, à la charnière entre la 2e (Huntziger) et la 9e armée (Corap). Le secteur de Sedan est tenu par une division de série B, la 55e DI, dont le personnel est constitué de réservistes d’âge moyen. Issu d’un service militaire réduit à un an (jusqu’à 1936), ce personnel est relativement peu instruit. À l’exception de deux colonels d’active et de deux chefs de bataillon d’active, tous leurs officiers sont réservistes. L’armement de la division laisse aussi à désirer. Elle manque surtout d’armement antichar et de DCA. C’est pourtant cette division qui subira le choc principal et dont la destruction ouvrira la voie au « coup de faucille » allemand en direction des côtes de la Manche.
« Le fait que, dès la fin du XVe siècle, le premier manant venu puisse, facilement et à moindre risque, occire un chevalier surentraîné et bardé d’acier a fondamentalement modifié non seulement l’art de la guerre, mais aussi l’ensemble des rapports sociaux. » L’apparition de l’arme à feu est ainsi à l’origine d’une double révolution : une révolution tactique et une révolution morale. Elle pose aussi une question d’ordre médical : « Comment quelques grammes de plomb propulsés par quelques grammes de poudre peuvent-ils avoir raison, à distance, du plus robuste des soudards ? Pourquoi le même projectile peut tuer l’un et épargner l’autre ? » La question des pertes par armes à feu repose en effet sur les interactions entre trois paramètres qui interfèrent les uns avec les autres : le projectile, la portée des armes, les dispositions tactiques mises en œuvre.
Joseph Kessel appartient à une espèce rare, les écrivains dont la vie elle-même est un roman. Comme son contemporain américain Ernest Hemingway (1899-1961), il aurait pu être son propre personnage dans un film de l’Hollywood des années 1950. Viril, impulsif, courageux, buveur, séducteur invétéré, mais surtout l’archétype des héros n’ayant peur de rien. Tel un Indiana Jones, son parcours est celui de l’Europe déchirée, depuis l’attentat de Sarajevo du 28 juin 1914 jusqu’à la guerre froide.
Cette deuxième édition complétée de ce manuel est particulièrement pertinente et intéressante pour tous ceux qui veulent comprendre la finalité et le fonctionnement des services dits « secrets ». L’auteur, très impliqué dans les actions de formation au sein de l’INHESJ et de l’EOGN notamment, propose ainsi un panorama clair et précis de l’existant en France, en le plaçant dans une perspective historique, d’où l’inclusion de ce livre dans la collection Histoire.
Deux auteurs très différents, un docteur en droit et un officier des armes, travaillant au sein même de structures militaires planifiant les programmes d’armement de l’Armée de terre française ont uni leurs savoirs, non pour décrire un avenir dans lequel une telle interdiction des armes de destruction massive a peu de chance d’être acceptée et mise en œuvre, mais pour inciter chercheurs, responsables politiques et dirigeants, militaires bien sûr, à réfléchir à la notion d’éthique de la guerre et aux conséquences qui résulteraient d’un abandon de l’effort de régulation de cette vaste panoplie d’armes, qui s’enrichit chaque année dans les guerres à venir.
Peter Frankopan est historien et professeur à l’université d’Oxford. Adolescent, il raconte quelle fut sa surprise en découvrant une carte médiévale turque centrée sur une ville depuis longtemps oubliée : Balasaghun. Avec Les Routes de la soie, c’est à un pareil exercice de décentrage qu’il nous invite : retracer 2 500 ans d’histoire perçue depuis le « cœur du monde », zone allant « des rivages orientaux de la Méditerranée et de la mer Noire jusqu’à l’Himalaya ».
Alors que la Russie a célébré avec solennité la mémoire de la Grande Guerre patriotique, au cours de laquelle elle a payé le plus lourd tribut, avec ses 27 millions de morts, dans la défaite du nazisme, peu d’attention a été portée, jusque-là, dans la mémoire et l’activité éditoriale au souvenir de la Grande Guerre. Or, on sait que celle-ci fut la matrice de la Révolution, celle « bourgeoise » de février, ou prolétarienne d’octobre.
En janvier 2018, dans le contexte de crise avec la Corée du Nord, une alerte est déclenchée sur l’île d’Hawaï pour avertir la population d’un missile balistique en approche. Il s’agit en fait d’une fausse alerte : l’apocalypse n’aura pas lieu. Pour Dupuy, on a frôlé la guerre atomique. Mais l’incident est vite oublié : la question nucléaire n’intéresse plus les foules.
Avec À bord des frégates, Jean-Yves Delitte (peintre officiel de la Marine) et Jean-Benoît Héron inaugurent chez Glénat une magnifique série d’ouvrages à la croisée des chemins entre le manuel d’histoire navale, la visite guidée et la bande dessinée. En ouvrant ce premier ouvrage, le lecteur embarque ainsi à bord des frégates qui sillonnaient au gré du vent les océans du monde aux XVIIIe et XIXe siècles, ces « petits vaisseaux armés en guerre qui vont à rames et à voiles, propres à découvrir et porter nouvelles ».
Jean Lopez, directeur de la rédaction de la revue Guerres & Histoire poursuit son travail d’écriture sur la Seconde Guerre mondiale avec ce nouvel ouvrage consacré aux cent derniers jours du Führer et de l’apocalypse de cette période où l’Allemagne vaincue s’effondre. En 2002, Joachim Fest (1926-2006) avait écrit Les Derniers jours de Hitler qui a inspiré le film La Chute réalisé par Olivier Hirschbiegel en 2004, où l’acteur Bruno Ganz incarne Hitler avec un réalisme confondant.
Il n’était assurément pas facile de republier ce Voyage en Afrique de Winston Churchill (première édition en 2010) en ces temps de repentance universelle, de « racialisme » et de montées de critiques anticolonialistes. Ce livre écrit il y a plus d’un siècle (1908), jamais traduit en français choquera maints lecteurs. On y découvre en effet le jeune Churchill en pousse-pousse, demandant aux Ougandais de le faire en silence pour ne pas déranger sa conversation avec le gouverneur britannique d’Ouganda. On y voit des gentlemen anglais en train d’abattre, sans état d’âme, des dizaines d’antilopes, des lions, des rhinocéros, des phacochères, des crocodiles et même des éléphants, espèce aujourd’hui si protégée.
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