Publiées régulièrement, ces analyses inédites d’ouvrages sont en accès libre, tout comme les recensions publiées dans l’édition mensuelle.
Sekigahara... Sous ce nom qui signifie « prairie frontalière » en japonais, se livra en 1600 une bataille décisive qui mit fin aux guerres civiles alors endémiques au Japon et instaura le shogunat des Tokugawa.
Au prix de l’examen critique de vastes sources enfin accessibles, les auteurs livrent la biographie complète du mythique maréchal Gueorgui Konstantinovitch Joukov (1896-1974). Le chef décisif qui à Khalkhin Gol (1939) oblige le Japon à renoncer à la Sibérie pour le Pacifique, qui sauve Moscou, Leningrad et Stalingrad, qui prend Berlin, qui y préside à la capitulation allemande, qui arrête à la mort de Staline le chef de la police politique Beria. Mais qui, trop populaire et accusé à tort de bonapartisme, finit placardisé sous Staline de 1946 à 1953, puis pestiféré après 1957.
Tout le monde observe, non sans étonnement, avec un réel effroi, les agissements de plus en plus osés, agressifs et répétés de Recep Tayyip Erdogan, que l’on appelle de plus en plus le nouveau sultan ? Ne lui prête-t-on pas l’intention, après avoir rendu Hagia Sophia, ce cadeau offert au monde par son illustre prédécesseur Atatürk, au culte musulman de restaurer le califat en 1924, un siècle après sa suppression ? N’accueille-t-il pas ses visiteurs de marque dans son immense palais de 20 000 m² (cinq fois Versailles). Son tableau de chasse, paraît sans limites. Là, il confisque la démocratie et après le coup d’État mal ficelé du 15 juillet 2016, purge l’appareil d’État envoyant plusieurs dizaines de milliers de militaires, d’enseignants, de journalistes, de juges, sous les barreaux, en exil ou les privant de toute activité professionnelle. L’opposition, on la muselle, la presse et les artistes on les embastille, les minorités, pour l’essentiel Kurdes et Alévis, le tiers de la population, sans compter le reliquat de Juifs, d’Arméniens, de Lazes…, on les persécute afin de sauvegarder le mythe d’une nation turque homogène, sunnite, à l’unisson avec son leader naturel. Plus encore, à la faveur de sa victoire contre les ennemis de l’intérieur, voilà qu’Erdogan déploie ses ailes, son sabre dans toutes les directions.
« Les Allemands [sont] … plus insaisissables, plus indéfinis, plus contradictoires, plus inconnus, plus incalculables, plus surprenants que les autres peuples ne le sont à eux-mêmes ; ils échappent à toute définition, et cela suffirait pour qu’ils fissent le désespoir des Français ». Ce diagnostic que fait Nietzsche en 1886 caractérise plutôt bien l’esprit de l’époque, commencent par écrire les auteurs, tous deux nés en 1959, « enfants de la réconciliation franco-allemande ». Hélène Miard-Delacroix, professeure à l’Université de La Sorbonne à Paris, dont les travaux de recherche portent sur l’histoire allemande et l’histoire des relations franco-allemandes ; Andreas Wirsching, directeur de l’Institut für Zeitgeschichte de Munich-Berlin et professeur d’histoire contemporaine à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich.
La Turquie fait à nouveau débat, commence par écrire l’auteur. Convenons qu’il s’agit, depuis ces deux dernières années, beaucoup plus qu’une simple joute oratoire, intellectuelle et même historique, mais que la Turquie d’Erdogan est devenue une préoccupation majeure, pour l’Europe, comme pour l’Otan, comme pour bien de ses voisins, à commencer par la Russie. C’est cette novation géopolitique aux fortes consonances qu’il convient de tirer au clair. Souvenons-nous en : ce pays qui compte entre 4 et 5 millions de ses ressortissants, dont bon nombre de naturalisés en Allemagne et 700 000 en France, faisait encore récemment l’objet d’un débat positif – du redémarrage d’une relation forte avec l’Europe au moment de la candidature à l’Union européenne en 1999, jusqu’au virage radical de 2013 – battant en brèche l’ordre social et politique qui l’avait régi au cours des deux derniers siècles.
Le 18 août 2015, Khaled Al As’Ad, conservateur du musée de Palmyre, est assassiné par Daech, alors qu’une grande partie des vestiges de la ville antique sont détruits. Après l’avoir quelque peu oublié, le monde entier découvre alors que cette région, qui est encore en ce moment à feu et à sang, participe du patrimoine commun de l’humanité. C’est donc tout le mérite de ce nouveau volume de la belle collection Mondes Anciens de chez Belin de nous faire découvrir l’âge d’or du Proche-Orient romain.
Le brillant chef d’état-major de Foch pendant la Première Guerre mondiale et le général en chef malheureux de 1940 sont un peu oubliés aujourd’hui. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir suscité en leur temps nombre de controverses. Dès le début de sa carrière militaire, Maxime Weygand (1867-1965) se distingue déjà par un certain non-conformisme. Un peu plus tard, il refusera même de préparer le concours de l’École supérieure de Guerre, ce qui ne l’empêchera pas, d’ailleurs, d’être repéré par Joffre et admis directement au Chem, créé en 1911. En 1914, il se retrouve, simple lieutenant-colonel, à la tête d’un état-major d’armée. Doté d’une capacité de travail exceptionnelle, il formera avec Foch, tout au long de la guerre, un véritable « binôme ». C’est incontestablement l’un des organisateurs de la victoire de 1918.
Le général Dietrich von Choltitz (1894-1966) est issu d’une vieille famille militaire. Aspirant en avril 1914, il termine la guerre sous-lieutenant après trois blessures. Admis à rester dans la Reichswehr, il est en 1939 chef de bataillon au 16e régiment d’infanterie aéroportée qui se distingue lors de la prise de Rotterdam. À la tête de cette dernière unité, il protège les puits de pétrole de Ploiesti au printemps 1941, puis combat en Crimée, avant de participer à la prise de Sébastopol l’année suivante. Fin 1942, Choltitz commande un corps d’armée blindée autour de Stalingrad, puis sert en Italie et en Normandie, où son unité, le 84e corps d’armée est anéanti.
S’il est bien un homme familier des cercles du pouvoir aux États-Unis, c’est Robert Gates. Qu’on en juge : entré à la CIA en 1966, il servit pendant presque cinquante années sous huit Présidents différents, à des postes de premier plan, comme National Security Adviser (1989-1991), directeur de la CIA (1991-1993) ou encore comme Secretary of Defence (2006-2011).
Professeur honoraire des universités, docteur honoris causa de l’université de Iaroslav, auteur de nombreux ouvrages sur la Russie, Jean-Pierre Arrignon a eu raison d’intituler sa dernière et heureuse synthèse, une histoire de la Russie et non l’histoire de la Russie. Car qui peut se targuer d’écrire en moins de 600 pages le récit complet de l’histoire de ce vaste État eurasiatique dont le destin nous a toujours concernés, mais dont bien des pages restent toujours disputées ou controversées.
Quatre-vingts ans après, la défaite de 1940 continue de susciter débats et interrogations. Le colonel Rémy Porte (er), ancien officier référent histoire pour l’Armée de terre, spécialiste de l’armée française des deux guerres mondiales se propose dans son dernier livre de corriger les idées reçues (et il y en a !) et de revenir aux faits. Constitué d’une trentaine de courts chapitres permettant de faire à chaque fois le tour de la question, l’ouvrage se révèle d’une lecture passionnante. Nous n’évoquerons ici que quelques-unes des questions soulevées par l’auteur.
Voilà des années que Joseph Staline figure au Panthéon des grands personnages de l’histoire russe, aux côtés d’Alexandre Nevski, vainqueur des chevaliers teutoniques, d’Ivan le Terrible, de Pierre le Grand, de Catherine II et de Lénine. Le trait commun de tous ces dirigeants, outre qu’ils sont auréolés d’une gloire posthume, est qu’ils ont été, soit des conquérants, soit des bâtisseurs d’empire, soit des créateurs ou des consolidateurs – comme le fut Staline – d’un État de type nouveau, longtemps conçu comme l’avenir de l’humanité. C’est ainsi que lorsque les Russes se penchent sur leur passé, Joseph Staline apparaît de moins comme un dictateur sanguinaire, mais plutôt comme le continuateur des grands monarques de la Russie éternelle.
De nos jours, Gerd von Rundstedt (1875-1953) est certainement le moins connu des généraux de la Wehrmacht. La biographie que lui a consacrée Laurent Schang n’en présente donc que plus d’intérêt. Descendant d’une longue lignée d’aristocrates prussiens, passé par l’école de cadets d’Oranienstein, puis celle de Gross-Lichterfeld, dont l’atmosphère est d’ailleurs excellemment décrite par Schang, Gerd von Rundstedt est nommé sous-lieutenant d’infanterie en 1893 à dix-sept ans. Il est élève à la Kriegsakademie de 1903 à 1906, et une fois breveté intègre le Grand État-Major en 1907, auprès duquel il sert trois ans avant d’être affecté en unité.
Dans un livre dense et qui porte à la réflexion, le colonel Frédéric Jordan, artilleur, vise à « initier les fondamentaux d’une culture de la victoire » en exposant « les ressorts, les exigences et les outils pour vaincre ». En treize chapitres consacrés aux principes de la guerre, à la logistique, à la guerre urbaine, à la gestion du feu, etc., l’auteur nous offre ainsi un vaste panorama de l’histoire militaire et de la pensée stratégique depuis 2 500 ans.
Les Français (Normands, Bretons et Basques) n’étaient venus pêcher la morue près des côtes de Terre-Neuve officiellement qu’à partir de 1508, mais de fil en aiguille, de rencontre en rencontre, les voilà qui commencent à hiverner sur les bords du Saint-Laurent, avant de remonter vers les Grands Lacs et de toucher le Mississippi. Avant la fondation de Québec en 1608, il y a un siècle d’échanges entre les Français et les Amérindiens dans ce qui est aujourd’hui l’est du Canada. Les rencontres ne sont certes pas toutes pacifiques, mais les objets troqués sont très vite accompagnés de mots.
« Qu’est-ce que l’armée française est venue faire dans cette galère ? » Question dérangeante, mais essentielle qui vient de plus en plus souvent à l’esprit lorsque l’on évoque l’intervention française au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane, opération de stabilisation qui a pris la suite de l’opération Serval lancée en janvier 2013. Si Serval a été militairement un succès, Barkhane donne le sentiment d’un enlisement sans fin. Depuis son déclenchement, les mouvances djihadistes ont étendu leurs actions à toute la zone sahélienne et les violences intercommunautaires se sont multipliées. On ne reprochera donc pas à Marc-Antoine Pérouse de Monclos, chercheur spécialiste de l’Afrique et des mouvements djihadistes, de poser cette question en des termes si directs dans son dernier ouvrage.
Pour le général André Beaufre (1902-1975), l’un des principaux stratégistes français contemporains (avec les généraux Gallois, Poirier et Ailleret), l’effondrement de l’armée française en 1940 est l’événement majeur du XXe siècle. Membre du Grand quartier général au moment des événements de mai et juin 1940, son analyse est particulièrement précieuse. Il l’a exposée brillamment dans un livre récemment réédité où alternent souvenirs de sa vie militaire (depuis Saint-Cyr en 1921 et la guerre du Rif pendant laquelle il fut blessé grièvement) et réflexions géostratégiques et militaires, le tout servi par une plume magnifique et un humour souvent acéré.
De la militarisation de la Rhénanie – le 7 mars 1936 – à la signature de l’accord entre la Grande-Bretagne et la Turquie, en mai 1939, l’enfant terrible de la classe politique britannique écrivit un article tous les quinze jours. On est frappé, une fois de plus par sa lucidité, son courage et sa force d’expression. Il s’insurge contre le défaitisme et le manque de courage des dirigeants britanniques face à la montée des périls, qu’il décrit avec une rare acuité. Le « vieux lion » rugit, tance ses pairs, dont il n’a pas de peine à dénoncer la pusillanimité.
Il est souvent convenu de parler de « divergence », de « révisionnisme » ou encore de « contestation de l’ordre mondial » lorsqu’il s’agit de qualifier les comportements des puissances (Chine, Russie, Turquie, etc.) qui remettent en cause les fondements du système international hérité de l’après 1945. C’est le prisme, aujourd’hui dominant dans les analyses, de la géopolitique.
« Neuf mois de belote, six semaines de course à pied » ? L’aphorisme de Céline, cynique autant que caricatural, sur la campagne de 1939-1940 est bien connu. Cet ouvrage vise à contredire cette « vérité », dans le sillage de l’historiographie du quatre-vingtième anniversaire de cette campagne malheureuse pour les armées françaises, qui tend à réhabiliter le combattant de 1940, dont on sait combien il avait été méprisé par ses anciens de la Grande Guerre au sein du monde combattant.
Penser l’événement, c’est-à-dire le réévaluer à bonne distance des modes en le dégageant de la gangue des illusions, est une des lignes de force de la pensée d’Hannah Arendt. C’est cette même exigence arendtienne qu’on retrouve dans l’essai que Cyrille Bret, philosophe et géopolitologue, consacre à l’événement terroriste et à l’« âge de la terreur » qui s’ouvre le 11/9.
En rassemblant les souvenirs du lieutenant Luciani, Philippe de Maleissye rend un immense service à tous ceux que passionne la guerre d’Indochine en même temps qu’un hommage à tous ceux qui l’ont faite, légionnaires en particulier. Par le biais d’entretiens dont les questions, savamment orientées, contraignent la mémoire à exprimer tout « son jus », nous partageons – parmi une multitude d’anecdotes, de portraits et de petits détails – deux ans dans une section du 2e REI en poste au col des Nuages et dans la région de Tourane (actuel Da Nang) entre 1949 et 1951 ; deux ans à Sidi Bel Abbès, comme instructeur, entre 1951 et 1953 ; le retour en Indochine entre 1953 et 1954 – un an au 1er BEP comme officier adjoint puis commandant de compagnie à Diên Biên Phu.
Le plan Marshall occupe une place à part dans l’imaginaire collectif. Comme l’écrit Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale, « des dirigeants du monde entier ne cessent d’en appeler à un nouveau plan Marshall », mais combien comprennent réellement de quoi il était question dans ce plan, comment il a été créé et comment il a été mené à bien ? Mais le plan Marshall ne se réduit pas, loin de là, au seul programme de redressement économique de l’Europe ; il a été conçu comme un instrument de combat destiné à empêcher Staline, qui avait établi son hégémonie sur une partie de l’Europe, de s’emparer de l’autre, l’occidentale. À ce titre, comme le démontre Benn Steil, c’est bien le plan Marshall qui a été le fait majeur déclencheur de la guerre froide, qui a recouvert de son manteau l’Europe et le monde durant quatre décennies et dont toutes les réminiscences n’ont pas totalement disparu.
Il y a quatre-vingts ans, le 10 mai 1940, trois panzerdivisionen (1re, 2e et 10e Panzer) composant le XIXe corps blindé du général allemand Guderian, percent le front français à Sedan, à la charnière entre la 2e (Huntziger) et la 9e armée (Corap). Le secteur de Sedan est tenu par une division de série B, la 55e DI, dont le personnel est constitué de réservistes d’âge moyen. Issu d’un service militaire réduit à un an (jusqu’à 1936), ce personnel est relativement peu instruit. À l’exception de deux colonels d’active et de deux chefs de bataillon d’active, tous leurs officiers sont réservistes. L’armement de la division laisse aussi à désirer. Elle manque surtout d’armement antichar et de DCA. C’est pourtant cette division qui subira le choc principal et dont la destruction ouvrira la voie au « coup de faucille » allemand en direction des côtes de la Manche.
« Le fait que, dès la fin du XVe siècle, le premier manant venu puisse, facilement et à moindre risque, occire un chevalier surentraîné et bardé d’acier a fondamentalement modifié non seulement l’art de la guerre, mais aussi l’ensemble des rapports sociaux. » L’apparition de l’arme à feu est ainsi à l’origine d’une double révolution : une révolution tactique et une révolution morale. Elle pose aussi une question d’ordre médical : « Comment quelques grammes de plomb propulsés par quelques grammes de poudre peuvent-ils avoir raison, à distance, du plus robuste des soudards ? Pourquoi le même projectile peut tuer l’un et épargner l’autre ? » La question des pertes par armes à feu repose en effet sur les interactions entre trois paramètres qui interfèrent les uns avec les autres : le projectile, la portée des armes, les dispositions tactiques mises en œuvre.
La RDN est fière d'accompagner Nemrod – Enjeux contemporains de défense et de sécurité et ses auteurs dans la promotion de ce Cahier de la RDN. Venez retrouver l'équipe et les auteurs de « La guerre des sanctions » le mercredi 2 avril à la Librairie Pedone à Paris pour un temps d'échange sur ce sujet qui fait l'actualité.
Rendez-vous :
Mardi 2 avril
18h30-20h30
13 rue Soufflot – 75005 Paris
Librairie Pedone
Colloques, manifestations, expositions...
Institutions, ministères, médias...