Avril 2019 - n° 819

Relancer la défense de l’Europe

« Toute puissance est faible, à moins que d’être unie »

Jean de La Fontaine

La Revue Défense Nationale devrait célébrer en mai prochain le 80e anniversaire de sa fondation. Pour une revue indépendante, mais qui revendique également sa proximité de la communauté militaire, le renouveau avéré de l’intérêt montré par l’opinion pour les questions militaires et stratégiques est à la fois une bonne nouvelle et un défi qu’elle entend relever. Ce mois-ci, elle a décidé de consacrer un premier dossier sur les questions de défense européenne. Lire la suite

  p. 1-1

Ladies and Gentlemen,
It’s a pleasure to be with you today. Finally, I made it. Last September I was scheduled to talk here, but then, a day before flying, I picked up the US newspapers and they read: “Hurricane Florence hits the East coast of the US”. That was meant to be a discrete visit to DC. Lire la suite

  p. 5-10

À intervalles réguliers, dès qu’une crise internationale ou des désaccords régionaux se manifestent, se pose la question de la sécurité européenne. Certes, l’Alliance atlantique avait été conçue à cette fin, mais dans le contexte géopolitique du bilatéralisme et de la guerre froide. Depuis une trentaine d’années, les facteurs successifs qui ont perturbé la sécurité mondiale n’ont suffi à remettre en cause ni le concept, ni l’organisation de la sécurité collective. Ceux-ci étaient fondés sur la suprématie et la garantie offertes par les États-Unis. Mais ces dernières années, avec le pivot vers le Pacifique du président Obama, puis avec le désintérêt, voire l’hostilité affichée du président Trump à l’égard des enjeux de sécurité européens, les Européens sont en droit – et ont le devoir – de se poser la question de leur sécurité et de leur défense. Lire la suite

  p. 11-12

Relancer la défense de l’Europe

L’Armée européenne reste un concept relevant de la gageure mais non dénuée de certains fondements. Depuis le début de la guerre froide et à son issue, le besoin de défendre l’Europe a été une réalité assumée par l’Otan. Mais le débat reste entier tant les problèmes structurels demeurent en l’absence d’une réelle volonté politique. Lire la suite

  p. 15-21

Construire une défense européenne est une idée généreuse mais qui ne peut que s’inscrire dans le temps long, tant le rythme d’élaboration d’une politique commune est particulièrement lent et laborieux. De ce fait, les États-Unis conserveront encore longtemps une position dominante répondant à leurs intérêts propres. Lire la suite

  p. 22-25

Si le concept d’armée européenne reste complexe à mettre en œuvre, des progrès sont possibles via le principe des coopérations structurées permanentes qui permettraient à certains pays de s’engager ensemble et assurer davantage de responsabilités, préfigurant un nouveau projet européen. Lire la suite

  p. 26-28

La dissuasion française a pour mission de protéger les intérêts vitaux nationaux. Or, ceux-ci sont étroitement liés à notre environnement proche, l’Europe. De fait, il y a une forme de solidarité nucléaire qui pourrait évoluer à l’avenir. Le débat reste ouvert et la France devra être à l’écoute de ses partenaires européens. Lire les premières lignes

  p. 29-33

Il y a eu une prise de conscience réelle par les pays européens d’un changement stratégique avec le retrait des États-Unis de Trump et l’agressivité de la Russie de Poutine. Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts entrepris pour faire progresser l’idée d’une défense européenne crédible et pragmatique. Lire les premières lignes

  p. 34-38

La défense européenne a progressé ces dernières années, obligée par les évolutions stratégiques dont l’attitude nouvelle des États-Unis de Donald Trump. Il faut désormais aller plus loin, quitte à proposer une approche disruptive, seule capable d’innover et d’être utile. Lire les premières lignes

  p. 39-48

La défense européenne a connu quelques avancées, mais de nombreux obstacles demeurent structurellement. Cependant, plusieurs scénarios semblent se dégager pour des évolutions rendues nécessaires par l’environnement stratégique qui nécessiteront une réelle volonté politique et une prise de conscience des menaces actuelles. Lire les premières lignes

  p. 49-56

L’Europe a pris conscience du besoin en renseignements pour mieux appréhender les risques et menaces. Des progrès ont été faits pour partager et exploiter, même si la dimension nationale reste centrale pour l’acquisition du renseignement. La création récente du Collège du renseignement en Europe va ainsi dans le bon sens. Lire les premières lignes

  p. 57-63

L’Europe a compris que sa défense nécessite un effort accru, en se dotant de mécanismes plus efficaces pour pouvoir répondre aux nouveaux enjeux. Les outils existent mais nécessitent d’être mieux employés et utilisés. Des barrières sont tombées mais il reste des efforts à faire en définissant un niveau d’ambition. Lire les premières lignes

  p. 64-68

Pendant des années, la Commission européenne a refusé de comprendre au nom du libre-échange les spécificités et les exigences liées aux industries d’armement contribuant à l’autonomie stratégique de l’Europe. Un changement est cependant intervenu avec une politique plus raisonnable désormais mais qu’il convient de renforcer. Lire les premières lignes

  p. 69-73

L’idée d’une armée européenne semble prématurée mais pas totalement utopique. En effet, développer un concept de sécurité européenne est indispensable au regard de l’évolution des positions de Washington. Il conviendrait dès lors d’engager une « européanisation » de l’Otan en s’appuyant sur l’existant. Lire les premières lignes

  p. 74-79

L’Europe est à la fois unité et diversité, homogénéité par son histoire et complexité par sa géographie. Sa défense n’en est que plus difficile à assurer, surtout si l’on raisonne sur les principes actuels ayant délégué la sécurité à l’Otan. Il faut désormais penser différemment et proposer un projet novateur. Lire les premières lignes

  p. 80-88

L’Europe doit désormais prendre ses responsabilités en matière de défense et s’affranchir des États-Unis. En termes politiques, cela signifie aller plus loin et proposer une nouvelle ambition pour que l’Europe de demain puisse encore compter sur la scène internationale. Lire la suite

  p. 89-91

L’Alliance tient sa légitimité et sa crédibilité du lien transatlantique fort entre les États-Unis et l’Europe, celle-ci ayant sous-traité sa sécurité à Washington. Or, cette situation stratégiquement confortable est remise en cause par Donald Trump, dont l’intérêt pour l’Europe reste limité et qui s’interroge sur l’utilité de l’Otan. Lire les premières lignes

  p. 92-98

Contrepoint

Le Maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique est un sujet sensible car les difficultés s’y sont accumulées, obligeant à revoir de fond en comble son fonctionnement. Des lacunes ont été identifiées, en particulier dans le domaine des ressources humaines (RH) et des compétences qu’il importe de revoir, sans oublier le soutien aux petits et moyennes entreprises (PME). Lire les premières lignes

  p. 101-106

Repères - Opinions

La cybersécurité est un enjeu majeur pour l’Europe avec une BITC importante mais fragmentée et aux composantes très variées. Les stratégies de positionnement des acteurs institutionnels et industriels sont assez récentes et nécessitent un effort de convergence, appuyé en cela par l’UE. Lire les premières lignes

  p. 107-113

La France, puissance spatiale reconnue, doit accroître ses efforts en proposant une approche innovante. Cela passe par une remise en question du modèle actuel. Cela exige aussi une réponse européenne plus dynamique et considérer ainsi l’espace comme un milieu de conflictualité possible. Lire les premières lignes

  p. 114-118

Les mécanismes des sanctions au Conseil de sécurité restent complexes et traduisent des sensibilités géopolitiques divergentes. L’Union européenne s’inscrit dans ce processus, la France et le Royaume-Uni étant de facto des acteurs clés, du fait de leur statut de membres du P5. Avec le Brexit, la responsabilité française va s’accroître. Lire les premières lignes

  p. 119-126

Chronique

« Gouverner c’est choisir. »
Pierre Mendès France.
 Lire la suite

  p. 127-129

Recensions

Marc Ferro avec Emmanuel Laurentin : Les ruses de l’histoire - Le passé de notre actualité  ; Tallandier, 2018 ; 214 pages - Jérôme Pellistrandi

À 94 ans, le regard de Marc Ferro, historien et citoyen engagé dès les années 1940 avec son entrée dans la Résistance, sur notre monde nous interroge et nous interpelle. Ce livre construit sur des échanges avec le journaliste Emmanuel Laurentin pose un diagnostic lucide mais également non dénué de pessimisme. Lire la suite

  p. 131-132

Benoît Lugan : Les victimes sont nos enfants  ; Cent Mille Milliards, 2019 ; 124 pages - Emmanuel Desclèves

Il n’est pas si commun aujourd’hui de raconter la guerre. On en parle, certes, mais d’une façon impersonnelle et désincarnée. Le plus souvent comme d’un sujet d’étude, autour de considérations de préférence géopolitiques et stratégiques, plus rarement tactiques. On prétend prendre de la hauteur. À l’inverse, si l’on veut en donner une réalité plus concrète on utilisera directement des images, avec tout ce que cela comporte d’immédiateté et de violence pour le spectateur pris en otage. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Avril 2019 - n° 819

Relancer la défense de l’Europe

Relaunching the Defence of Europe

Creation of a European army would seem to be impossible to achieve, though the concept is not devoid of logic. Throughout the Cold War and beyond the defence of Europe was undertaken by NATO. Debate continues, for structural problems persist in the absence of any true political will. Read more

Building European defence is a grand idea but one which might only be achieved over the long term, given the slow and laborious process of establishing common policy. Because of this the United States will continue for some considerable time to maintain its dominant position, serving its own interests. Read more

Whilst it remains difficult to put the concept of a European army into practice, progress is possible through the principle of permanent structured cooperation. This allows some countries to choose joint commitment and to take on greater responsibilities, and could foreshadow a new European project. Read more

The aim of the French deterrent force is to protect vital national interests. The latter are closely linked to our close environment, in other words, Europe. There is therefore the possibility that some form of nuclear solidarity could develop in the future. It is an open question and France will have to be attentive to its European partners on the matter.

European countries have taken note of significant strategic change, given the withdrawal of the United States under the Trump administration and Russian aggressiveness under Putin. We need therefore to build upon the efforts already made to promote the concept of credible and pragmatic European defence.

European defence has moved forward in recent years, driven by strategic developments, including the new approach of Trump’s United States. We have to go further, to the extent, if need be, of pursuing a disruptive approach in which innovation is welcomed and which ultimately will prove useful.

European defence has seen some movement although numerous structural obstacles continue to pose problems. That said, several scenarios seem to be emerging to cater for the developments needed in the changed strategic environment. To be put into effect, this requires significant political will and recognition of current threats to succeed.

Europe has taken note of the need for intelligence in order to have better understanding of risks and threats. Progress has been made in sharing and exploiting such intelligence even if national considerations remain paramount for its acquisition. The recent creation of the college for intelligence in Europe is a move in the right direction.

Europe has realised that its defence needs greater effort to be expended in providing itself with more effective mechanisms to respond to new challenges. The tools exist already but more needs to be made of them and they should be better deployed. Barriers have come down but there remains much to do in defining the level of defence to be sought.

For many years the European Commission’s policy of free exchange meant it refused to understand the peculiarities and demands of armament industries that contribute to the strategic independence of Europe. Things have changed and a more reasonable policy is being followed that should be enhanced.

The idea of a European army is perhaps premature, though not totally utopian. Nevertheless, it is essential to develop a concept of European security in the face of Washington’s changing positions. From now on we need to commit to Europeanisation of NATO, building on the existing structure.

Europe is both united and diverse: homogeneous by dint of its history and complex through its geography. All of which makes its defence difficult to ensure, the more so if arguments are based on current principles, which delegate security to NATO. As of now, we need to think differently and propose a new project.

Europe needs to face up to its responsibilities in defence matters and free itself from the United States. In political terms, that means going further and proposing a new way ahead so that the Europe of tomorrow might still count for something on an international level. Read more

The legitimacy and credibility of NATO stems from the strong transatlantic link between the United States and Europe, the latter having sub-contracted its security to Washington. Yet this strategically comfortable situation has been called into question by Donald Trump, whose interest in Europe is somewhat limited and who questions the usefulness of NATO.

Counterpoint

MCO aéronautique is proving a thorny issue, since accumulating difficulties have led to a complete top-to-bottom review of its function. Gaps in the plan have been identified, in particular in the field of human resources and competences, which need thorough review, and also in the support to small and medium businesses.

Opinions and Viewpoints

Cyber security is a major challenge for Europe, with its large, yet wide-ranging and fragmented industrial and technological base. Recently-devised policies regarding positioning of institutional and industrial players require further convergence effort, which should have the support of the European Union.

France is recognised as a space power, yet needs to increase its efforts by proposing an innovative approach. This means not only calling into question the current model but also seeking a more dynamic response from Europe, which should consider space as a zone of potential conflict.

The manners in which UNSC sanctions operate are complex and reflect diverging geopolitical sensitivities. The European Union is involved in this process, France and the United Kingdom being de facto key players as a function of their status as Permanent Members. With Brexit on the horizon, France’s responsibility will increase.

Chronicle

Book reviews

Marc Ferro avec Emmanuel Laurentin : Les ruses de l’histoire - Le passé de notre actualité  ; Tallandier, 2018 ; 214 pages - Jérôme Pellistrandi

Benoît Lugan : Les victimes sont nos enfants  ; Cent Mille Milliards, 2019 ; 124 pages - Emmanuel Desclèves

Revue Défense Nationale - Avril 2019 - n° 819

Relancer la défense de l’Europe

La Revue Défense Nationale devrait célébrer en mai prochain le 80e anniversaire de sa fondation. Pour une revue indépendante, mais qui revendique également sa proximité de la communauté militaire, le renouveau avéré de l’intérêt montré par l’opinion pour les questions militaires et stratégiques est à la fois une bonne nouvelle et un défi qu’elle entend relever. Ce mois-ci, elle a décidé de consacrer un premier dossier sur les questions de défense européenne.

En effet, à intervalles réguliers, la question de la sécurité européenne est posée. Depuis une trentaine d’années, les facteurs successifs qui ont affecté la sécurité mondiale n’ont remis en cause ni le concept ni l’organisation de la sécurité collective telle que représentée par l’Alliance atlantique, qui fête cette année en avril ses soixante-dix ans. Mais, tout récemment la nouvelle priorité que représente pour les États-Unis l’enjeu stratégique de l’Asie et du Pacifique face à la montée en puissance de la Chine ainsi que le désintérêt voire l’hostilité affichée du président Trump à l’égard de la contribution des alliés européens ont conduit ceux-ci à se poser, de nouveau, la question de leur sécurité et de leur défense. Cette fois, ce n’est plus seulement Paris qui s’interroge mais également nombre de nos partenaires européens. Cette question se pose en termes nouveaux. Si la menace militaire russe persiste comme on l’a vu avec la crise ukrainienne, elle adopte aussi des formes nouvelles. La compétition entre grandes puissances est relancée et entre la Russie, la Chine et les États-Unis, l’Europe redevient un enjeu. Les nouveaux espaces de conflictualité la concernent directement, qu’il s’agisse du terrorisme, des ruptures technologiques dans des champs conventionnels ou de la militarisation de l’espace et du cyber.

L’Union européenne, construction politique originale mais incomplète, notamment sur le plan militaire, éprouve le besoin de se renforcer et la France continue d’avoir l’ambition de figurer à l’avant-garde des propositions et réformes permettant à l’Europe d’assurer la souveraineté des États-membres de l’Union, la défense de leurs intérêts et la protection de leurs citoyens. En préambule, il a paru utile d’évoquer les temps forts de cette histoire récente afin d’en comprendre les péripéties. Outre les problèmes « d’armée européenne » et de capacités conjointes éventuelles, plusieurs thèmes, qui ont fait depuis des années l’objet de longues discussions, doivent être rappelés.

Le présent dossier se veut une première contribution à un débat que la Revue Défense Nationale a l’intention de poursuivre, en même temps que tous ceux que posent l’évolution du contexte stratégique actuel et ses implications pour notre pays et nos partenaires. Elle se propose également d’aborder les défis complexes que doivent affronter les organisations militaires aujourd’hui. La Revue se veut ouverte et à l’écoute de tous. Elle souhaite continuer de permettre en particulier aux militaires de s’exprimer, dans la limite des conditions posées par leur statut, car leur contribution au débat demeure également essentielle. ♦

Thierry Caspar-Fille-Lambie

Revue Défense Nationale - Avril 2019 - n° 819

Relancer la défense de l’Europe

La RDN vous invite dans cet espace à contribuer au « débat stratégique », vocation de la Revue. Cette contribution doit être constructive et doit viser à enrichir le débat abordé dans le dossier. C’est l’occasion d’apporter votre vision, complémentaire ou contradictoire. Vos réponses argumentées seront publiées sous votre nom après validation par la rédaction.

Aucune contribution n'a encore été apportée.