Octobre 2022 - n° 853

Stratégie navale du futur

« Ce qui arrive en fin de compte n’est pas l’inévitable, mais l’imprévisible. »

John Keynes
136 pages

Il y eut le 11 septembre 2001. Il y a désormais le 24 février 2022, avec une bascule géopolitique majeure dont les conséquences vont marquer la décennie actuelle et modifier durablement le paysage stratégique. La guerre en Ukraine rythme désormais notre quotidien au point de provoquer une crise économique et sociale à l’approche de l’hiver. Ce conflit majeur entre deux États souverains repose la question de notre défense avec des interrogations sur le modèle d’armée à prévoir pour répondre aux nouveaux défis. Et si l’essentiel des combats se déroule à l’Est avec une prépondérance des forces terrestres, c’est bien la totalité du spectre militaire qui est concernée, mélangeant hybridités, milieux, technologies et forces morales. Lire la suite

  p. 1-1

Stratégie navale du futur

Le fait maritime sera au cœur des défis stratégiques pour la France. Pour répondre à ces enjeux, les moyens de la Marine devront être impérativement accrus quantitativement et qualitativement. Innovation et coopération devraient être développées pour jouer le rôle de puissance d’équilibres. Lire les premières lignes

  p. 7-12

La guerre en Ukraine est riche en enseignements, y compris pour le domaine maritime. Ce conflit marque la fin de la mondialisation heureuse et le retour du rapport de force notamment sur les mers. Cela confirme le besoin de renforcer notre posture navale, en ayant une approche mondiale et pas seulement régionale. Lire les premières lignes

  p. 13-18

La guerre en Ukraine a engendré une modification des flux énergétiques au détriment des gazoducs terrestres avec le recours au Gaz naturel liquéfié (GNL) et à la voie maritime pour son transport. De fait, la Méditerranée redevient une plaque centrale pour les hydrocarbures, d’où un besoin accru de sécurisation de cet espace maritime très convoité. Lire les premières lignes

  p. 19-24

La Méditerranée est un espace vital pour les intérêts français et européens, avec une multiplication des crises et une course aux armements. Pour répondre à ces enjeux, les moyens de la Marine nationale doivent être densifiés et ses partenariats révisés. Son engagement opérationnel ira croissant. Lire les premières lignes

  p. 25-29

L’Indopacifique est une zone majeure où la sécurité de la France, puissance riveraine, est directement engagée. Des tendances lourdes transforment cet espace multiforme en mutation accélérée. La Marine française a donc un rôle essentiel à jouer avec un élargissement de ses missions. Lire les premières lignes

  p. 30-35

L’utilisation des ressources spatiales est devenue d’usage courant y compris pour les armées. La Marine est désormais très concernée par nos capacités spatiales, celles-ci devant être toujours plus robustes et protégées avec des systèmes hybrides. L’espace est désormais un milieu opérationnel à part entière. Lire les premières lignes

  p. 36-41

Le dérèglement climatique et les atteintes à la biodiversité modifient en profondeur notre environnement géopolitique. La Marine y est directement confrontée et apporte ses compétences et savoir-faire pour proposer des réponses variées et utiles face à une évolution porteuse de risques et de menaces. Lire les premières lignes

  p. 42-46

Le golfe de Guinée, riche de ses ressources naturelles, fait face à une insécurité maritime protéiforme, obligeant les États riverains à réagir. La France, via la Marine nationale, s’y investit pleinement en soutien de ses partenaires régionaux. Une des clés du succès sera le partage de l’information maritime. Lire les premières lignes

  p. 47-52

La nouvelle génération des Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la classe « Barracuda » est désormais une réalité avec une première unité en service, le Suffren. Ces sous-marins, qui seront au nombre de six, pourront aller plus loin, plus vite et plus longtemps. Les « Barracuda » viennent ainsi renforcer la stratégie de la France conforme à ses ambitions. Lire les premières lignes

  p. 53-58

La temporalité du contexte géopolitique oblige à accélérer les processus de modernisation des systèmes de la Marine. Il s’agit de trouver de nouveaux modes d’innovation. L’idée est de booster des capacités comme les drones ou les armes à énergie dirigée. Cela exige toutefois plus de réactivité et une prise de risque. Lire les premières lignes

  p. 59-63

L’interopérabilité est un défi qui ne cesse de croître. Indispensable en mer, elle une réalité permanente pour les armées. La Marine s’emploie à développer sa capacité en travaillant notamment avec l’US Navy. Cela exige de pouvoir agir en opération avec la communauté F-35 tout en préservant notre autonomie stratégique. Lire les premières lignes

  p. 64-68

L’industrie navale française est un atout majeur et contribue à l’autonomie stratégique nationale. Dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, le Groupement des industries de construction et activités navales fédère les entreprises et participe au renforcement de la Base industrielle et technologique de défense (BITD). Parmi les missions du GICAN, il y a l’organisation de salons professionnels comme Euronaval. Lire les premières lignes

  p. 69-75

Socarenam est un chantier naval situé dans le Pas-de-Calais et créé en 1961. Plus de 300 navires, civils et militaires, sont sortis de ses cales. L’entreprise a diversifié ses produits avec des patrouilleurs, dont les POM (Patrouilleurs outre-mer) en cours de développement. Pour cela, le défi est aussi dans les ressources humaines. Lire les premières lignes

  p. 76-80

Il y a 50 ans

RDN n° 315, octobre 1972En 1972, la Méditerranée était déjà au cœur de nos préoccupations de sécurité dans le cadre de la guerre froide et du conflit israélo-palestinien. En 2022, les rivalités ont évolué, mais les tensions demeurent, démontrant que Mare Nostrum reste ce carrefour stratégique à la fois permettant la convergence des cultures, mais aussi les divergences d’intérêts des acteurs régionaux et mondiaux. Lire la suite

  p. 82-82

Guerre en Ukraine

Le conflit russo-ukrainien met en lumière la souveraineté économique. Dès 2014, la Russie a réorienté son économie suite aux sanctions liées à la Crimée. Les États occidentaux ne se sont rendu compte de leur vulnérabilité qu’avec la crise de la Covid, d’où un retard certain dans cette confrontation économico-financière. Lire les premières lignes

  p. 83-93

La guerre provoquée par la Russie à l’Ukraine illustre une volonté de rupture de Moscou vis-à-vis de l’Occident, et l’Ukraine se trouve sur une des zones de fracture selon les thèses de Samuel Huntington. De fait, ce conflit signifie que l’Histoire est en marche avec la volonté ukrainienne de choisir son destin. Lire les premières lignes

  p. 94-98

La question du génocide est souvent abordée par un biais émotionnel et donc instrumentalisée à des fins politiques. Or, il faut avoir une approche juridique en cherchant à définir l’intentionnalité. Cela permettrait d’éviter des imprécations et des effets de propagande, oubliant la matérialité des faits et faisant fi des victimes. Lire les premières lignes

  p. 99-104

L’histoire permet de faire des comparaisons et de comprendre les bouleversements géopolitiques. La seconde guerre sino-japonaise enclenchée en 1937 à Tokyo s’enlise rapidement faute de buts de guerre précis. Le mépris japonais à l’égard des Chinois a conduit à des massacres injustifiés. Des leçons oubliées par Moscou en 2022. Lire les premières lignes

  p. 105-109

Opinions

La guerre en Ukraine démontre l’importance de la Défense opérationnelle du territoire (DOT). Or, celle-ci n’existe plus en France suite aux choix faits il y a un quart de siècle et qui ne répondent plus aux menaces actuelles. Repenser la défense opérationnelle de l’Hexagone doit être une priorité, d’autant plus que cela est faisable. Lire les premières lignes

  p. 110-116

Repères

L’esprit de défense est essentiel à la cohésion nationale. Cela passe par une action collective entre les armées et l’Éducation nationale. Tout en respectant la liberté pédagogique des enseignants, il est important de renforcer les ressources disponibles avec les réservistes pour construire cet esprit de défense si nécessaire à la nation. Lire les premières lignes

  p. 117-120

Chronique

Il existe des continuités dans la politique russe – des tsars à Poutine, en passant par l’URSS – avec une vision impériale, voire impérialiste sur un espace géographique. Mais trop souvent, cette politique a été conduite en transformant et en manipulant la réalité, au risque d’échecs majeurs. Lire les premières lignes

  p. 121-126

Recensions

Frédéric Charillon : Guerres d’influence – Les États à la conquête des esprits  ; Odile Jacob, 2022 ; 346 pages - Eugène Berg

Paru en janvier, cet ouvrage commence par ces mots : « Sommes-nous entrés dans une ère de confrontations nouvelles et permanentes, bien qu’imperceptibles pour le profane ? La crainte d’une invasion militaire “à l’ancienne”, du côté de l’Europe occidentale s’est en partie estompée. Les abris antinucléaires de guerre froide obsèdent moins les esprits. » Heureusement que Frédéric Charillon, ancien fondateur et dirigeant de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, ne mentionne ici que l’Europe occidentale, et non la centrale et l’orientale. De plus, la guerre, qui a éclaté subitement à 5 heures du matin le 24 février, l’a été dans ce que Georges Nivat, grand connaisseur de Soljenitsyne, a nommé la troisième Europe. C’est dire que si nous vivons dans le même espace – Kiev n’est qu’à trois heures de vol de Paris – nous ne vivons pas dans le même temps historique. Lire la suite

  p. 127-128

Alain Blondy : Pirates, corsaires et flibustiers  ; Perrin, 2021 ; 416 pages - Emmanuel Desclèves

C’est un excellent ouvrage historique que nous offre Alain Blondy, de lecture fluide et agréable, qui dresse un panorama complet et synthétique de l’histoire des pirates, corsaires et autres flibustiers, au cours des âges. Lire la suite

  p. 129-129

Jérémie Foa : Tous ceux qui tombent  ; La Découverte, 2021 ; 352 pages - Jean-Daniel Fischer

Jérémie Foa fait d’étranges rêves. Il aimerait fouiller sous la Tour Eiffel ou sous la préfecture à Toulouse pour y retrouver les traces des victimes de la Saint-Barthélemy tuées entre août et octobre 1572 et qu’il a côtoyées dans les archives notariales. Leur décès a enclenché la constitution d’actes, pour régler leur succession ou constater leur décès par la déposition de témoins. Mais les notaires enregistrent aussi les inventaires de meurtriers, dévoilant ce que fut leur vie après le 24 août 1572. Loin du roi Charles IX (mais pas forcément loin de la cour royale) ou des tractations avec l’Espagne et l’Angleterre, Jérémie Foa scrute les rues, les ponts et les quais, note les adresses, mais surtout met en évidence les relations interpersonnelles de ceux qui y vivent. La grande ville ne rend pas anonyme celui qui y habite. Chacun sait qui sont ses voisins. Lire la suite

  p. 129-131

Pierre Servent : Les Sept vies d’Adrien Conus  ; Éditions Perrin, 2022 ; 368 pages - Philippe Boulanger

Adrien Conus a vécu une existence courte, mais intense. Né dans la Russie tsariste en 1900, il grandit à Nice. Grand pianiste, parlant le russe, le français, l’anglais et l’allemand, décoré des plus hautes distinctions, il est à la fois combattant, espion, braconnier et bricoleur d’armes de génie. Ses sept vies pistées par Pierre Servent s’étendent de la Syrie mandataire à l’Indochine coloniale en passant par le désert africain, l’Allemagne et le Vercors. Si Adrien Conus obtient son diplôme d’ingénieur de l’École supérieure de travaux publics (ENTP) en 1923, c’est en Afrique, à laquelle il voue une véritable passion, qu’il trouve un terrain d’épanouissement à la hauteur de ses attentes. Il y traque les fauves et les éléphants, qu’il abat du premier coup. Il trafique de l’ivoire. Épris d’absolu, il aime les émotions fortes. Il se bat dans les bistrots. Il est prisé comme guide de chasse. Il rencontre le broussard français Pierre Bourgoin, directeur d’école, qui sera son ami dévoué jusqu’à la fin. Lire la suite

  p. 131-132

Rear-Admiral Philip A. Dur : Between Land and Sea – A Cold Warrior’s Log  ; Lioncrest Publishing, 2022 ; 442 pages - Aimery Fustier

L’amiral Dur est bien connu de beaucoup d’entre nous : francophile et francophone, il a été Attaché de défense à Paris et reste membre associé de notre Académie de marine. Lire la suite

  p. 132-132

Revue Défense Nationale - Octobre 2022 - n° 853

Stratégie navale du futur

Future Naval Strategy

Maritime issues will be at the very heart of strategic concerns for France, and it is imperative that the Navy’s assets be increased in both quantity and quality. Innovation and cooperation will need to be developed if France is to play a role as a balancing power.

Much can be learned from the war in Ukraine: maritime matters are no exception, for the conflict is marking the end of propitious globalisation and the return of sabre-rattling, especially on the seas. All of which confirms the need to reinforce our naval posture from a global approach, rather than a purely regional one.

The war in Ukraine has precipitated a change in energy flow: a move from land-based gas pipelines to LNG shipped by sea. The Mediterranean is once again becoming a focal point for hydrocarbons, hence an increased need for securing this highly coveted sea area.

The Mediterranean Sea is vital to French and European interests—the more so, given an increasing number of crises and an arms race. To respond to such challenges the Navy needs more assets and to look for new partners, for its operational commitment is certain to grow.

The Indo-Pacific is a major zone in which the security of France, as a coastal nation there, is directly affected. The grave changes afoot are rapidly transforming this complex space. With broadened missions, the French Navy has an essential role to play.

The use of space resources is now commonplace—for the armed forces as for everyone. The Navy is now highly dependent on our space capabilities, which need to be ever-more robust and protected through the use of hybrid systems. Space is now a distinctly separate operational environment.

Climate change and the harm being caused to biodiversity are fundamentally changing our geopolitical environment. The Navy is directly confronted by these issues and is bringing its competence and capabilites to bear in the search for varied and helpful responses to these risky and threatening developments.

The wealth of natural resources in the Gulf of Guinea is at the origin of many forms of maritime insecurity against which the coastal states are obliged to react. Through the Marine Nationale, France is fully committed to supporting its regional partners. One of the keys to success will be the sharing of maritime information.

Suffren, the first of the new-generation Barracuda class SSNs is now in service. The class, which will eventually have 6 members, will be able to go further, faster and for longer. The Barracudas will therefore reinforce longer-term French strategy.

The current rapid changes in geopolitics mean we need to speed up the process of modernisation of the Navy’s systems. New modes of innovation need to be found, with the aim of boosting capabilities such as drones and directed energy weapons. At the same time, that requires greater reactivity and risk-taking.

Interoperability poses an ever-greater challenge. It is essential at sea and a permanent consideration for the armed forces. The Navy is actively working to develop its capability, notably by working with the US Navy. Such work requires the ability to operate with the F-35 community whilst retaining our strategic autonomy.

The French naval industry is a major asset which contributes to national strategic autonomy. In an environment of intensified international competition, GICAN (Groupement des industries de construction et activités navales—the French Maritime Industry Group) brings different companies together and helps boost the DITB. GICAN’s work includes the organisation of trade fairs such as Euronaval.

Socarenam is a shipyard in the north of France, founded in 1961. Over 300 civil and military vessels have left its slipways. The company has diversified with the production of patrol craft, including the POM (patrouilleurs outre-mer—offshore patrol craft for French overseas territories), currently under development. There, the challenge lies also in human resources.

War in Ukraine

The Conflict in Ukraine is putting the spotlight on economic sovereignty. Since 2014 and the establishment of sanctions linked to its annexation of Crimea, Russia has been redirecting its economy. Western countries only took note of their own vulnerability when the Covid crisis struck and thus are trailing somewhat in this economic and financial confrontation.

The war waged by Russia against Ukraine illustrates Moscow’s will for a break with the West. Ukraine now finds itself sitting on one of what Samuel Huntington called fault lines. This conflict clearly indicates that history continues to move forward and that Ukraine is free to choose its destiny.

The question of genocide is often approached from an emotional standpoint and is then manipulated to political ends. When looking to define intention, a legal approach is needed in order to avoid unfounded accusations and the effects of propaganda which ignore material facts and neglect the victims.

History allows us to make comparisons and to understand geopolitical disruption. The Second Sino-Japanese War, started in 1937 by Tokyo, soon became bogged down through lack of precise war aims. Japanese contempt for the Chinese led to unjustified massacres. Such lessons have been forgotten by Moscow in 2022.

Opinions

The war in Ukraine is highlighting the importance of the operational defence of home territory. Such defence no longer exists in France as a result of choices made a quarter of a century ago and which are no longer appropriate to current threats. A new look at the operational defence of mainland France is not only feasible but should be a priority.

Viewpoints

A spirit of defence is essential for national cohesion. It is achieved through joint action by the forces and éducation nationale—the state education system. Whilst acknowledging teachers’ pedagogical freedom, it is nevertheless important to boost available resources with reservists in order to build the spirit of defence that is so necessary to the nation.

Chronicle

From the Czars, via the USSR, to Putin, there have been lines of continuity in Russian politics including an imperial, even imperialist, vision of a geographical space. Too often, alas, this policy has been carried out by altering and manipulating reality at the risk of major failure.

Book Reviews

Frédéric Charillon : Guerres d’influence – Les États à la conquête des esprits  ; Odile Jacob, 2022 ; 346 pages - Eugène Berg

Alain Blondy : Pirates, corsaires et flibustiers  ; Perrin, 2021 ; 416 pages - Emmanuel Desclèves

Jérémie Foa : Tous ceux qui tombent  ; La Découverte, 2021 ; 352 pages - Jean-Daniel Fischer

Pierre Servent : Les Sept vies d’Adrien Conus  ; Éditions Perrin, 2022 ; 368 pages - Philippe Boulanger

Rear-Admiral Philip A. Dur : Between Land and Sea – A Cold Warrior’s Log  ; Lioncrest Publishing, 2022 ; 442 pages - Aimery Fustier

Revue Défense Nationale - Octobre 2022 - n° 853

Stratégie navale du futur

Il y eut le 11 septembre 2001. Il y a désormais le 24 février 2022, avec une bascule géopolitique majeure dont les conséquences vont marquer la décennie actuelle et modifier durablement le paysage stratégique. La guerre en Ukraine rythme désormais notre quotidien au point de provoquer une crise économique et sociale à l’approche de l’hiver. Ce conflit majeur entre deux États souverains repose la question de notre défense avec des interrogations sur le modèle d’armée à prévoir pour répondre aux nouveaux défis. Et si l’essentiel des combats se déroule à l’Est avec une prépondérance des forces terrestres, c’est bien la totalité du spectre militaire qui est concernée, mélangeant hybridités, milieux, technologies et forces morales.

Cela signifie également que l’action militaire est par nature multimilieux. Après quatre ans d’absence, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19, le salon Euronaval va réunir, fin octobre, tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par la question maritime. Et en quatre ans, tout a quasiment changé, avec l’accélération des tensions, la compétition des nations et la fin de la mondialisation « heureuse ». Vulnérabilité des approvisionnements pour l’Europe mise en lumière par la Covid, blocage intempestif du canal de Suez en mars 2021 par une fortune de « canal », agressivité de la Chine avec ses ambitions tant en Indopacifique que le long des nouvelles Routes de la Soie et enfin guerre en Ukraine…

D’où le besoin de faire le point sur la stratégie navale du futur avec ces approches croisées, soulignant toutes le besoin urgent de renforcer nos capacités dans ce milieu. Face aux défis de demain, plus que jamais l’océan sera à la fois un espace de coopérations, notamment au regard du réchauffement climatique ; de compétition pour le contrôle des ressources – qu’elles soient halieutiques ou extraites des entrailles des pro fondeurs – et des routes maritimes représentant 90 % du commerce mondial ; et de confrontations entre marines de guerre (en utilisant sciemment cette expression), que ce soit en Indopacifique, en Méditerranée ou encore en mer Noire.

La difficulté pour un pays comme la France (1 % de la population mondiale et 2e ZEE au monde) est de se doter des moyens de son ambition, alors même que les ressources budgétaires restent limitées. Les arbitrages deviennent complexes d’autant plus que l’accélération des technologies et des modes d’action peut rendre obsolète demain des choix faits aujourd’hui. Il faut aussi qu’une plateforme navale, dont la durée de vie atteint environ une quarantaine d’années, puisse évoluer et s’adapter aux évolutions des équipements et des systèmes d’armes. Il s’agit, en 2022, de concevoir des ensembles appelés à travailler en réseaux jusqu’au-delà de 2050. Un pari exigeant, mais indispensable pour préserver notre autonomie stratégique.

À la lumière des premiers enseignements de la guerre en Ukraine, il en ressort de toute façon une certitude qui pourrait même être un des principes de la guerre selon le Maréchal Foch. C’est la qualité des ressources humaines : commandement efficace et réactif, soldats bien entraînés et bien équipés, force morale de la nation derrière ses combattants. Ce sont bien les hommes et les femmes qui feront la différence au combat, quels que soient les moyens employés. ♦

Jérôme Pellistrandi

Revue Défense Nationale - Octobre 2022 - n° 853

Stratégie navale du futur

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